Après avoir donné quelques clés pour comprendre les monnaies locales dans mon dernier billet, certains de mes lecteurs m'ont demandé d'en faire de même avec la monnaie légale. Le sujet est souvent contre-intuitif, ce qui en fait tout son intérêt !
Une monnaie, c'est quoi ?
L'économie standard a une vision utilitariste de la monnaie, que l'on appelle aussi fonctionnaliste en ce qu'elle décrit la monnaie à travers les fonctions économiques mises à jour par Aristote :
* fonction de facilitation des échanges : cela signifie qu'elle permet de payer ses achats lors d'une transaction sans recourir au troc ;
* fonction de réserve de valeur : la monnaie peut être épargnée sans perdre de sa valeur (en excluant l'inflation et la perte de cours légal comme pour le Franc en 2002) ; elle permet donc de reporter du pouvoir d'achat dans le temps ;
* fonction d'étalon : la monnaie permet de jauger la valeur d'un produit quelconque.
Cependant, la monnaie peut aussi avoir des fonctions politiques et sociales, au moins aussi importantes que ses fonctions économiques, sinon plus, et hélas trop souvent négligées. En effet, la monnaie est constitutive du lien social et sans elle il n’y aurait tout simplement pas de société marchande...
Dans l’histoire, la monnaie a pris différentes formes : monnaie marchandise, monnaie métallique (pièces en métaux précieux), monnaie fiduciaire (billets de banque), monnaie scripturale (soldes créditeurs des comptes à vue gérés par les institutions financières), monnaie électronique, cryptomonnaie... Aujourd'hui, selon la Banque de France, plus de 90 % des règlements se font avec de la monnaie scripturale, la monnaie fiduciaire au sens large (billets + pièces) ne représentant tout au plus que 10 %.
Comment est créée la monnaie ?
Contrairement à une idée reçue, l'essentielle de la création monétaire n'est pas le fait de la Banque centrale, mais des banques commerciales qui, sans aucune contrepartie (on dit ex nihilo dans le jargon), créent de la monnaie simplement en accordant un crédit à un client. Autrement dit, la création de monnaie résulte d’un processus de monétisation des créances non monétaires :
La quantité de monnaie en circulation
On appelle masse monétaire le volume total de monnaie en circulation à un moment donné dans une économie donnée. Certains actifs sont considérés comme suffisamment liquides pour être considérés comme de la monnaie en termes de liquidité, d'où la possibilité de calculer plusieurs agrégats monétaires notés M1, M2 et M3, sachant que M3 est celui surveillé plus spécifiquement par la BCE (ici le cas de la masse monétaire en France) :
[ Source : Banque de France ]
Présentés autrement, les agrégats monétaires sont en quelque sorte des poupées gigognes (russes ou matriochkas pour faire plus culturel) :
Les chiffres les plus récents font état de plus de 13 000 milliards d'euros en circulation (agrégat M3) dans la zone euro en mars 2020 :
[ Source : BCE ]
En définitive, la question pendante est la suivante : toute cette monnaie est-elle bien utilisée ?