Quand on aborde le sujet aujourd'hui avec un professionnel du secteur, ce qui lui vient à l'esprit immédiatement est l'opacité des tarifs. Il n'est rien d'étonnant à ce réflexe car il s'agit bien d'un point de douleur connu (régulièrement soulevé par les associations de consommateurs), qui constitue en outre un critère sensible de comparaison avec les acteurs émergents, ceux-ci affichant des grilles de prix simplifiées et sans surprise (parfois jusqu'à la gratuité). Mais ce n'est là que la partie émergée de l'iceberg.
Analysons par exemple les échos de la grande opération « Big Banking Chat » de dialogue avec ses clients lancée par N26 en pleine crise sanitaire. Une source majeure de mécontentement, qui émerge donc aussi au sein d'une néo-banque, est l'emploi de jargon incompréhensible ou, à tout le moins, ambigu pour le quidam moyen. En réponse, la jeune pousse définit des notions telles que le découvert autorisé, le score de crédit, les intérêts composés, le taux annuel effectif global, le mandat de prélèvement…
Bien que louable, l'effort est, en réalité, insuffisant. On ne peut se contenter de fournir un dictionnaire aux consommateurs afin de les inciter à apprendre et retenir le sens des termes techniques qui parsèment les documentations et les contrats. Surtout quand les explications fournies font appel à des concepts mal appréhendés (un taux d'intérêt est totalement abstrait pour une partie de la population). Ce qui est nécessaire est plutôt une présentation des produits qui s'appuie sur une expérience concrète.
Dans un registre différent, attardons-nous maintenant sur le constat que tire Le Figaro d'une enquête sur le statut du crédit immobilier dans l'hexagone : en raison de la pandémie, les délais de décision des banques s'allongent, laissant la moitié des emprunteurs dans l'incertitude. Si l'article se focalise sur la formalisation de l'acceptation ou du refus, ce qui devrait choquer est la loterie que représente une demande de prêt quand, en arrière-plan, un choix plus ou moins arbitraire met en jeu l'avenir du client.
Là aussi, la transparence devrait (et pourrait) être quasi absolue. Dès le dépôt d'un dossier, il devrait être possible d'avoir – automatiquement ? par anticipation ? – une réponse engageante, sous la seule réserve de (rares) circonstances non identifiables immédiatement dans la situation de l'emprunteur. Ce dernier exige, avec raison, de toute évidence, de savoir rapidement si son projet est acceptable, sans avoir à redouter un changement d'avis intempestif (et jamais justifié ni argumenté, bien entendu).
Il en est de même avec les conditions accordées. Dernière illustration de cette série, BNP Paribas propose dorénavant un parcours de souscription 100% en ligne (bravo !) mais se dédit aussitôt en soulignant que les utilisateurs préfèrent l'expertise d'un conseiller. Or, derrière ce besoin, s'agit-il vraiment de recueillir l'avis d'un spécialiste à propos d'une opération importante… ou de marchander, dans l'opacité la plus complète, les frais et le taux d'intérêt, ce qui n'est évidemment pas envisageable via les outils à distance ?
L'impératif de transparence dans la relation entre institutions financières et clients est largement ignoré parce que, au-delà de sa partie visible, presque quantifiable, sur les tarifs, il requiert un changement radical de culture qui n'est généralement pas associé à la transformation « digitale » lui ayant donné naissance. Dans les établissements qui perçoivent cette dernière comme un chantier informatique avant tout, il manquera toujours cette dimension critique, impliquant activement l'ensemble de l'organisation.