Le shivaïsme du Cachemire, comme toute vie intérieure, propose deux approches :iha dvividha ātmatattvasya upalabdhyupadeśaḥ upakrānto nirvāhyaśca : ekaḥ sarvavyatiriktacinmātrasvasvarūpaviṣayaḥ, aparo viśvātmakatacchakticakraviṣayaḥ
"Dans cet enseignement, l'instruction portant sur l'expérience de l'être du Soi est approchée et transmise de deux manières. La première porte sur l'essence même, la pure conscience qui transcende tout. La seconde porte sur la roue de ses énergies qui constitue l'univers."
(Râma, Explication du Poème du frémissement, II, 1)
Il y a donc une approche qui met l'accent sur le silence, l'espace, le vide, la simple présence immobile. Et une autre qui met l'accent sur l'élan, l'ébranlement subtil, le premier instant du désir, le jaillissement du mouvement, le ressenti viscéral, la plénitude. Ces deux approches sont complémentaires et inséparables. Choisir l'une et exclure l'autre serait artificiel et conduirait à une impasse. C'est la clé d'une vie intérieure épanouie sur la longue durée.Pourquoi ?
Parce que ce sont là les deux facettes de notre essence consciente :l'aspect cognitif, de connaissance, d'entendement, masculin ;
et l'aspect conatif ou appétitif ou affectif, d'amour, de volonté, féminin.
Râma ajoute que l'aspect de pure conscience, Shiva, correspond à l'état de sommeil profond ;
l'aspect d'énergie, Shakti, correspond à l'état de rêve - ou de veille, ce dernier n'étant qu'une variante de l'état de rêve.Ainsi, le rien (sommeil profond) et le tout (le rêve) sont deux phases d'un même cycle, d'une même respiration, d'une même pulsation. Il y a comme un dialogue entre ces états opposés, dialogue, débat et lutte dialectique qui tend vers une synthèse comme vers un horizon.