Entre deux thrillers, genre qu’il produit à jet continu,
Douglas Preston pratique le voyage sous une forme peu touristique.
L’archéologie le passionne, il en avait fourni quelques preuves aux Etats-Unis,
au Cambodge ou en Egypte. Le voici avec La cité perdue du dieu singe, au Honduras, dans la région peu connue de la
Mosquitia, à la recherche d’une civilisation presque oubliée et des vestiges
qu’elle aurait pu laisser. Des légendes courent dans le pays, à quoi
correspondent-elles ?
Pour le découvrir, l’équipe à laquelle il appartient utilise
les grands moyens : une cartographie des lieux en 3D grâce à une technologie
basée sur l’utilisation du laser, si coûteuse et sophistiquée qu’elle est en
général réservée à un usage militaire et qu’elle s’apparente à un secret
d’Etat. Elle fait gagner un temps fou aux explorateurs : là où des
fouilles prendraient des années, voire des décennies, quelques jours suffisent
à ratisser par avion un large secteur et à voir ce qui se cache sous la
canopée. Bingo ! Le premier objectif est le bon !
Les archéologues à l’ancienne pestent, en apparence parce
qu’ils méprisent les procédés modernes et ne jurent que par ce qu’ils appellent
la « prospection pédestre ». A leurs yeux, une découverte comme celle-là
n’a guère de valeur et, d’ailleurs, son dévoilement dans la presse se fait dans
un langage « qui était, selon eux,
symptomatique de la vieille archéologie colonialiste à la Indiana Jones. »
Qui est moderne, qui est archaïque dans cette histoire dont l’ironie n’est pas
absente ? Harrison Ford ne se contente pas d’incarner Indiana Jones à
l’écran, il est aussi, dans la vraie vie, vice-président de Conservation
International, un organisme de préservation de sites naturels. Et il félicitera
le président hondurien pour son action dans ce domaine, en lien avec
l’expédition que raconte Douglas Preston. Celui-ci laisse entendre que
l’opposition des détracteurs a des motivations plus politiques que
scientifiques.
L’auteur réussit à contextualiser l’aventure sans jamais en
oublier les aspects les plus spectaculaires. La dense forêt de la Mosquitia, où
il faut bien pénétrer, est peuplée d’animaux guère sympathiques, parmi lesquels
les serpents sont les plus visibles – le fer de lance peut cracher son venin à
plus de deux mètres – et dont les plus redoutables sont plus discrets :
les phlébotomes, petits insectes qui inoculent la leishmaniose sous différentes
formes, de véritables horreurs. Plusieurs membres de l’expédition en seront
atteints, dont Douglas Preston qui partage là une épreuve d’autant moins
agréable que le diagnostic est parfois difficile.
Chacune des facettes de ce livre est passionnante. Elles accrochent
autant que les rebondissements d’un thriller, a-t-on envie de dire. Sinon
qu’ici, tout est authentique, documenté à l’extrême dans des notes précises. On
s’enfonce à la suite des explorateurs dans un paysage qui donne le frisson en
même temps qu’il exalte la connaissance de l’histoire humaine.