Très vite, on se laisse porter par le rythme des phrases de ce livre. peut-être à cause du Livre des morts des anciens Égyptiens par où elle arrive. Mais non, c’est autre chose. C’est une attente infinie, sous l’aile des mouettes, le regard des chats, la mer et les coquillages vides « où le vent s’engouffre et gronde ». Les ombres et la lumière, les bandelettes d’une momie et tout qui commence de commencement en commencement. Elle vit ainsi dans un monde qui « s’écoule et fuit hors des plaies de sa propre fiction ». Coupoles, minarets et églises, pentes qui descendent toujours vers la mer, cette ville, Istanbul, « affublée de presque autant de noms qu’on en a donnés à Dieu », la ville de l’enfance, à jamais perdue. Ville sublime, « pierre qui attend »… « Et lorsque tu auras fini d’écrire l’histoire de cette pierre-là, alors, à ton tour, il te sera donné d’exister dans ta propre histoire ». Et c’est de cette alliance qu’il s’agit, de la ville qu’il a fallu quitter, la ville qui a changé comme changent les villes, et d’elle-même parfois au bord des gouffres, creusant la lumière, caressant les ombres, puisque lumière et ombres vont toujours ensemble, et enfin être seule et être soi.
Le texte d'Asli Erdoğan est traduit du turc par Julien Lapeyre de Cabanes