01/06/2020 LE « PLUS » de la SECTION DE SÈTE…ÉTATS-UNIS « Le dernier regard de George FLOYD, cruel miroir tendu à l’Amérique raciste » Par Rosa MOUSSAOUI (Cliquer pour voir la suite)

Publié le 01 juin 2020 par Particommuniste34200

« Je ne peux pas respirer. » Ces mots ont été les derniers de George Floyd. En 2014, ils avaient été aussi les derniers d’Eric Garner, un homme noir tué dans des conditions similaires à New York. Le mouvement Black Lives Matter (« La vie des Noirs compte ») en a fait un de ses slogans.

Les nuits d’émeutes et les manifestations se succèdent, des voix s’élèvent pour appeler à s’organiser politiquement contre un système qui perpétue les discriminations et l’injustice sociale.

L’incendiaire de la Maison Blanche galvanise ses « MAGA » (1), promet le carnage en réponse au pillage, fait déployer soldats de la Garde nationale, incrimine « les antifas et la gauche radicale ». Sans parvenir à endiguer le débordement de colère suscité par l’assassinat le 25 mai dernier, de George Floyd, un Africain-Américain de 46 ans, au cours de son interpellation par des policiers de Minneapolis. Partout dans le pays, d’imposantes manifestations se sont encore formées samedi pour exiger justice et dénoncer le racisme et la violence sociale et policière structurelle dirigée contre les Noirs.

Alors que se succèdent les nuits d’émeutes, certains de ces rassemblements ont donné lieu à des affrontements avec la police : plus de 200 personnes ont été arrêtées à New York, une centaine à Los Angeles. L’annonce, vendredi, de l’arrestation de Derek Chauvin, le policier filmée les mains dans les poches, son genou sur le cou de la victime, et de son inculpation pour « homicide involontaire » et « acte cruel et dangereux ayant causé la mort » de George Floyd n’a pas apaisé les esprits. Les manifestants demandent que cet agent maintes fois signalé pour « usage excessif de la force », impliqué dans de nombreux tirs mortels sur des « suspects », soit poursuivi, avec ses coéquipiers, pour « homicide volontaire ».

Par delà l’émotion, la rage et l’exigence de justice pour George Floyd, la mobilisation prend un tour très politique, laissant entrevoir, à quelques mois du scrutin présidentiel, une lame de fond. « La taille et l’impact des manifestations, partout, montrent la vraie nature nationale et historique de ce qui se passe. Ce n’est plus seulement une protestation demandant justice pour George Floyd, cela devient une révolte sociale générale contre la violence d’un système raciste policier et carcéral », analyse Libero Della Piana, du People’s action institute, qui voit dans la mobilisation en cours la manifestation d’un processus politique en maturation depuis des décennies, « un débordement de rage contre une société qui a aliéné socialement et économiquement des millions d’individus ».

Dans un contexte où les Africains-Américains ont payé un lourd tribut à la pandémie de coronavirus et à l’impéritie de l’administration Trump devant cette crise, Alexandria Ocasio Cortez, la plus jeune élue au Congrès, soutien de Bernie Sanders lors de la primaire démocrate, insiste elle aussi sur les tirs croisés des injustices sociales et des violences policières. « Si vous essayez d’appeler à la fin des troubles, mais que vous ne considérez pas la santé comme un droit humain, que vous craignez de dire que les vies des Noirs comptent, que vous avez trop peur d’évoquer les violences policières, alors vous n’appelez pas à la fin des troubles, s’insurge-t-elle. Vous appelez à ce que l’injustice continue, à ce que le peuple endure encore en se taisant la violence de la pauvreté, de l’accès entravé au logement, de la brutalité policière. »

« Il est temps de battre dans les urnes tous les procureurs que vous n’aimez pas… » 

Indéniablement, l’agonie de George Floyd, capturée en direct dans une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux, ébranle un système meurtrier pour les pauvres, pour les Noirs, et clément pour les suprémacistes blancs disposant de relais et de complaisances à tous les échelons de la justice et du pouvoir politique, jusqu’à la présidence. Pour démanteler cette toile, le feu n’est pas seulement inopérant : Donald Trump ne l’appelle-t-il pas de ses vœux, pour s’assurer la victoire cet automne ?

Ces dernières heures, des voix nombreuses se sont élevées pour appeler à dépasser le stade de l’émeute, toujours profitable aux pouvoirs jouant de la carte du rappel à l’ordre. Parmi ces voix, celle du rappeur Killer Mike, qui s’est adressé au bord des larmes, samedi, aux manifestants d’Atlanta : « Il est de votre devoir de ne pas brûler vos maisons. Il est de votre devoir de renforcer vos propres maisons pour en faire des refuges en période d’organisation. C’est le moment de comploter, de planifier, d’établir des stratégies, de s’organiser et de se mobiliser. Il est temps de battre dans les urnes tous les procureurs que vous n’aimez pas. Il est temps de tenir pour responsables les maires, leurs bureaux, les chefs et leurs adjoints. La prochaine étape, c’est d’user de votre pouvoir politique pour aller aux élections et battre les politiciens que vous n’aimez pas. »

Décrit par ses proches comme un « doux géant », père aimant de deux enfants, George Floyd était une figure appréciée de la scène musicale à Minneapolis, l’un de ces millions de travailleurs ayant perdu leur emploi dans la crise économique provoquée par la pandémie. Son dernier regard, sous la botte des policiers qui l’ont étouffé à mort, tend un cruel miroir à cette Amérique qui n’a jamais rompu, en vérité, avec la loi de Lynch.

01/06/2020 (Photo AFP / David GANNON)