C'était il y a quelques jours seulement. Un maudit virus avait limité notre cercle de jeu à un cercle de 1 km de rayon. Deux mois à courir dans chacune des rues, à découvrir un quartier que l'on croyait pourtant bien connaitre. Deux mois qui avaient éveillé la curiosité. Celle de poursuivre la découverte au-delà de ce cercle le jour où la liberté nous serait complètement rendue. Cinq ans que j'ai le privilège d'habiter Saint-Germain-en-Laye et pourtant, jamais je n'étais allé courir de l'autre côté de cette Nationale 13 qui coupe la ville en deux. Au sud, le quartier du Bel-Air. Son histoire y est bien plus récente que celle du centre de la ville. Mais parce qu'hier fait déjà partie de l'histoire, il aurait été injuste de ne ne pas y prolonger mes footings historico-sportifs. Un footing en terre quasi inconnue. Mais une fois encore, de jolies découvertes.
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Le chrono se déclenche à l’entrée de la rue Saint-Léger (Saint-Léger, de son vrai nom Leodegard était un évêque martyr du 7e siècle, canonisé probablement à Marly-le Roi en 681). Ici, aux fonds Saint-Léger, il y a deux siècles, se trouvaient des vergers, des vignes, des jardins alimentés en eau par le ru du Buzot. Les produits issus de ces cultures alimentaient les marchés de la région. En provenance de Feucherolles où il prend sa source et avant d’aller se jeter dans la Seine du côté du Pecq (9 km de long), le ru marquait la limite des habitations. Encouragés par les politiques du début du 20e siècle, les jardins ouvriers s’y sont ensuite développés. Les premières maisons commencèrent à y être construites au début des années 30.
Au sortir de la guerre, Saint-Germain étouffe. Trop étroit, trop dense, son centre-ville devient parfois même insalubre. Pour soulager le centre, après plusieurs années et plusieurs projets, il est décidé en décembre 1965 de la création d’une ZUP. Entamés en 1970, les travaux font surgir 4000 logements et transforment le Bel-Air en un véritable quartier de Saint-Germain-en-Laye.
Si le quartier, mélange de pavillons et d’immeubles, est relativement récent, le nom des rues et des places parcourues lors de ce footing rappelle que l’histoire n’est jamais très loin. Rue Jeanne d’Albret (Jeanne III, reine de Navarre née au Château de Saint-Germain, en 1528, nièce de François Ier, et mère d’Henri IV), rue Rouget de Lisle (l’auteur de La Marseillaise fut emprisonné au château de Saint-Germain), place François Ier (il vécut au château), rue René Béon, Marcel Aubert, Ernest Bonin (ancien maires de la ville), rue Marie-Stuart (la reine d’Ecosse passa une partie de son enfance, vers 1550, à Saint-Germain), avenue Saint-Fiacre (saint patron des jardiniers dont la célébration, en 1665, est à l’origine de la Fête des Loges)…

Le footing se poursuit. Au-dessus de nous, le viaduc du Val Saint-Léger, construit en 1881, voit passer chaque jour des trains transportant des milliers d’usagers de la Grande Ceinture. Parmi eux, beaucoup descendent à la gare Saint-Germain-Bel-Air-Fourqueux. La plupart sont collégiens ou lycéens. A l’entrée du Lycée Léonard de Vinci, l’Homme de Vitruve les accueille (célèbre dessin du maitre italien censé symboliser les proportions idéales parfaites du corps humain ; Vitruve était un architecte ingénieur romain qui vécut entre -90 et -15). Juste à côté, le collège des Hauts-Grillets est lui aussi un des principaux pôles éducatifs de la ville (19 lycées et collèges, 31 écoles élémentaires et maternelles à St-Ger).

Après avoir enjambé le Buzot, la rue Saint-Léger débouche sur la rue du Fer à Cheval. La pente est raide (40 m de D+ en 400m), les cuisses chauffent, le cœur s’accélère. Sur notre gauche, le Lycée International. Créé à la demande du général Eisenhower, il fut inauguré le 17 janvier 1952. Il accueille aujourd’hui plus de 2200 élèves et 14 sections internationales (Allemagne, États-Unis, Grande-Bretagne, Chine, Danemark, Espagne, Italie, Japon, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Russie, Suède) qui font de Saint-Germain-en-Laye une ville particulièrement cosmopolite.

Un peu plus d’un kilomètre à courir pour faire le tour du domaine d’Hennemont avant d’en ressortir. En remontant la rue de la Croix-de-Fer, à travers d’épais buissons, les plus curieux peuvent deviner le château Saint-Léger, bâti entre 1884 et 1886. Dommage qu’il soit ainsi dissimulé derrière tous ces arbres qui privent les promeneurs de son architecture. Lors des dernières décennies, le château a accueilli l’IRSID (l’Institut de Recherches de la Sidérurgie), puis le siège social de Ford. Aujourd’hui, IxBlue, société française de haute technologie, s’y est installée. Quand l’histoire rencontre le futur.


