La disparition des cartes, virtuelles ou physiques, n'est probablement pas pour demain mais une tendance inéluctable est pourtant déjà rampante. La dématérialisation des transactions, qui passent de plus en plus par internet ou par le téléphone mobile, le recours à des supports plus efficaces et plus modernes, tels que celui instauré par la DSP2 avec l'initiation de paiement, l'émergence de systèmes nativement conçus pour l'ère « digitale »… créent une menace qu'il est impossible d'ignorer.
Ces mutations ont, en particulier, un impact majeur sur les modèles économiques du secteur. Les coûts d'infrastructure ont baissé drastiquement, l'automatisation permet de réduire encore les frais sur les opérations (par exemple sur la gestion des risques)… Les nouveaux entrants sont ainsi en mesure de proposer des solutions beaucoup moins onéreuses que les grands réseaux traditionnels. Ces derniers se trouvent alors au défi d'aligner leur technologie existante sur la concurrence tout en voyant leurs commissions plafonnées par les régulateurs désormais conscients de l'évolution du marché.
Pour Visa, le salut pourrait donc être recherché dans une direction évidemment prometteuse par les temps qui courent, à savoir la monétisation des données. En établissant une collaboration étroite avec GoodData, le premier objectif consistera à commercialiser auprès des institutions financières et de leurs clients professionnels (les commerçants, notamment) des applications utiles basées sur l'analyse des informations de paiement. Cette nouvelle source de revenus sera certainement bienvenue pour lutter contre l'irréversible érosion des marges affectant les métiers historiques.
Si l'entreprise est capable d'entretenir une vraie vision à long terme, elle serait même en position de se projeter dans une transformation radicale de sa raison d'être. Dans le sillage de son intégration de Plaid, rien ne lui interdit de préparer, en parallèle d'autres scénarios plausibles, l'hypothèse d'un abandon progressif de ses activités de paiement, plus ou moins complet, volontaire ou contraint, pour basculer vers une stratégie entièrement focalisée sur la captation, le traitement et la distribution de données.
Si elle devait se propager dans l'univers de la finance, la transition vers un modèle économique reposant principalement sur une pure valorisation de l'information – sans préoccupation d'un service rendu à toutes les parties prenantes – risque toutefois d'avoir des conséquences surprenantes. En effet, alors que ses acteurs se gargarisent de la confiance dont ils jouissent auprès de leurs clients en comparaison des géants du web qui attaquent leur pré carré, présentés comme des ogres mercantiles de la donnée, pourront-ils impunément se renier et adopter les mêmes comportements ?