Le consentement

Publié le 27 mai 2020 par Lorraine De Chezlo
de Vanessa Springora
Roman - 200 pages
Editions Grasset - Janvier 2020
Prix Jean-Jacques Rousseau - 2020
La jeune V. vit avec sa mère, ne voyant plus que trop rarement son père. Elle a 14 ans quand elle rencontre dans le milieu littéraire professionnel de sa mère, le beau cinquantenaire au sourire paternel, G.M. Ce dernier va très vite séduire la jeune fille, sous le regard d'abord offusqué puis très vite consentant de sa mère. Cette relation va durer des années et la jeune V. aura toutes les difficultés du monde à se débarrasser de cette emprise prédatrice.
Rarement écriture aussi droite et délicate n'aura planté sa mine effacement, en dévoilant tant, dénonçant implacablement et maintenant toujours maîtrise et élégance. C'est une histoire personnelle et intime que raconte l'autrice, une histoire dont elle a voulu démêler les nœuds et les contradictions, les évidences et les ambiguïtés. Le titre pourra être trompeur, car davantage que la question du consentement, c'est évidemment celle de l'abus de pouvoir dont il est question. Qu'une très jeune fille soit consentante pour entretenir des rapports sexuels avec un vieux monsieur n'est pas impensable, mais le grave problème réside dans son impossibilité d'avoir un consentement éclairé, libre, et pesé lorsqu'elle est soumise de fait à un abus de pouvoir sur sa faiblesse infantile.
Extrait :"A quatorze ans, on n'est pas censée être attendue par un homme de cinquante ans à la sortie de son collège, on n'est pas supposée vivre à l'hôtel avec lui, ni se retrouver dans son lit, sa verge dans la bouche à l'heure du goûter. De tout cela j'ai conscience, malgré mes quatorze ans, je ne suis pas complètement dénuée de sens commun. De cette anormalité, j'ai fait en quelque sorte ma nouvelle identité.A l'inverse, quand personne ne s'étonne de ma situation, j'ai tout de même l'intuition que le monde autour de moi ne tourne pas rond.
Et quand plus tard, des thérapeutes en tout genre s'échineront à m'expliquer que j'ai été victime d'un prédateur sexuel, là aussi, il me semblera que c'est pas non plus "la voie du milieu". Que ce n'est pas tout à fait juste. Je n'en ai pas encore fini avec l'ambivalence."
Elle éclaire aussi sur les contradictions du bonhomme, qui s'accroche par ego à elle, jeune femme, qui la harcèle, la poursuit parce qu'elle a osé avoir la force de vouloir rompre, l'envie de vivre avec d'autres jeunes hommes. Quelle contradiction non assumée puisque le prédateur pédophile n'est attiré que par les corps juvéniles, il feint de manière sadique un attachement durable qui n'est pas viable !...Le roman témoignage est sublimement écrit, et l'importance de l'écriture justement, est soulignée. La source de l'emprise et de l’admiration, et la clé de la libération également. Un échange d'arme pour une vengeance éclairée.
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