Quatrième de couverture :
Arrière-grand-mère du roi des Belges intronisé en 2013, Philippe, et avant lui épouse, mère et grand-mère de rois, Elisabeth (1876-1965) est née Wittelsbach, en Bavière. Nièce et filleule de Sissi, éprise de liberté comme l’impératrice, elle a pourtant su mettre sa couronne au service de ses belles ambitions, politiques et artistiques. Incarnation de la résistance belge en 1914 puis prématurément veuve d’Albert Ier, elle a gagné son surnom de « reine rouge » à la fin de sa vie après sa rencontre avec Mao. Entre-temps, elle n’aura cessé d’étonner par son anticonformisme et sa défense acharnée de la paix. Excellente musicienne, elle a fondé le prestigieux concours Reine-Elisabeth. Grande voyageuse, elle a compté parmi les premiers visiteurs de la tombe de Toutankhamon. Fidèle en amitié, elle fut proche d’Albert Einstein, de Romain Rolland, d’Albert Schweitzer, de Colette…
Si la vie était « normale », en cette dernière semaine de mai, les Belges mélomanes seraient en train de vibrer au son des pianistes finalistes du Concours Reine Elisabeth. Mais le concours a été reporté à l’année prochaine à cause de cette saleté de virus. Pour compenser, j’ai sorti de ma PAL cette biographie de la Reine Elisabeth, écrite par Patrick Weber, journaliste de télé et de radio, écrivain, curieux de nombreux sujets (et homme d’une élégance raffinée à mon goût, ce qui ne gâte rien).
Elisabeth de Wittelsbach, née en Bavière, était la filleule d’une autre Elisabeth, Sissi l’impératrice d’Autriche. Si elle tient de sa marraine une forme d’exaltation et d’énergie brûlante, elle a néanmoins les pieds bien sur terre par son éducation. Son père était féru de science, de nature, d’observation et il tenait aussi à porter secours aux autres. C’est ainsi qu’il fit des études d’ophtalmologie et ouvrit plusieurs cliniques pour soigner un maximum de gens. Il transmet à sa fille cette attention aux autres ainsi que l’amour des arts. Sa mère l’initie à la religion, mais pas comme un carcan. Elisabeth a aussi appris plusieurs langues étrangères qui lui ont permis plus tard de communiquer lors de ses nombreux voyages. C’est une princesse ouverte d’esprit, curieuse, moderne qui rencontre en 1897 le prince Albert de Belgique qu’elle épousera le 2 octobre 1900. Il paraît qu’elle était assez petite et très mince, voire maigre, qu’elle ne correspondait pas aux canons de la beauté en vigueur et que sa santé était assez fragile
Albert n’était pas censé être roi : un peu comme le père d’Elizabeth II d’Angleterre, il a été « obligé » de monter sur le trône après la mort du fils de Léopold II et celle de son frère aîné. Après Léopold Ier et Léopold II qui ont construit la Belgique (le deuxième ayant sans doute une stature trop grande pour ce petit pays et lui ayant légué la colonie du Congo) et ont choisi leurs épouses pour raisons diplomatiques, le nouveau couple qui monte sur le trône à la fin de 1909 change complètement la figure de la royauté. C’est un mariage d’amour, un couple solide malgré les différences. Il paraît qu’elle était assez petite et très mince, voire maigre, qu’elle ne correspondait pas aux canons de la beauté en vigueur et que sa santé était assez fragile (ce qui ne l’a pas empêchée de vivre quasiment nonante ans). Albert était pessimiste de nature, Elisabeth pleine d’allant et d’énergie. Dans ce petit pays toujours prêt à se diviser, ils vont entrer dans la légende avec leur action pendant la première guerre mondiale, lui comme roi chevalier, toujours aux côtés de ses soldats qu’il tient à ménager au maximum, elle comme la reine infirmière, fondatrice de l’hôpital de l’Océan à la pointe des soins pour les blessés de guerre. Après la guerre, Albert accroît encore son prestige en accordant le suffrage universel (du moins aux hommes) et en donnant plus de place à l’identité flamande. Dès lors, durant les années 1920, le couple royal symbolisera vraiment l’unité de la Belgique et vivra des moments exaltants : Elisabeth assiste à l’ouverture de la tombe de Toutankhamon et crée une fondation égyptologique, le couple royal visite le Congo, Léopold, l’héritier du trône, épouse la sublime Astrid de Suède, qui sera tout autant adulée qu’Elisabeth par les Belges.
Les années trente sont, on le sait, plus sombres : la crise économique, les bruits de guerre, la mort accidentelle du roi Albert le 17 février 1934, celle d’Astrid en août 1935, l’invasion de la Belgique en 1940 et la capitulation de Léopold III, qui entraînera après la guerre la question royale et l’accession au trône du jeune Baudouin en 1951. Elisabeth a toujours soutenu les choix de son fils aîné, plaidant pour lui en coulisses, notamment par correspondance.
Une fois les choses apaisées, à partir de 1951, à l’äge de 75 ans, Elisabeth entame une nouvelle vie : elle peut désormais se consacrer totalement à ses passions, la musique évidemment, en relançant le Concours qu’elle a créé en 1937 (et dont elle a eu l’idée dès 1931 avec son ami Eugène Ysaÿe, en créant notamment la Chapelle musicale qui porte toujours son nom). La reine se consacrera encore à de nombreux voyages, au Congo, en Pologne, en Union soviétique et en Chine, au grand dam des autorités belges crispées par ces voyages en pleine guerre froide. Mais Elisabeth a toujours été une femme libre, un peu comme Churchill il lui fallait des défis pour se sentir vivante et elle n’a cessé de mener ces périples et ces rencontres que pour faire progresser la paix et l’amitié entre les peuples. Elle fut notamment amie, au nom de la paix, de la musique, de la culture, avec Albert Einstein, Romain Rolland, Colette, Albert Schweitzer, entre autres.
C’était une fameuse personnalité, pleine d’humour et de ténacité, qui finissait toujours par faire ce qu’elle voulait. Sans doute ne pouvait-on pas résister longtemps à son regard pervenche.
Je suis contente de connaître un peu plus en détail cette reine mythique de la Belgique au travers de cette biographie de Patrick Weber, qui se lit comme un roman. J’aime beaucoup cette mystérieuse photo de couverture, prise sur la plage d’Ostende le 4 août 1911. (Et pour une fois il y a de la non fiction sur ce blog, ça faisait longtemps.)
Patrick WEBER, Elisabeth de Belgique Une reine entre guerre et paix, Payot, 2014 (1è édition 1998)