Je n'ai pas su, tout d'abord, quelle forme allait prendre mon refus. A quoi, ce que je vivais, ce que j'avais vécu, allait donner naissance. De quelle manière allait se manifester ma résistance. Cet empêchement en moi. Ce dont je ne voulais pas. Ce que je ne pouvais pas accepter.
Louise refuse d'être un jour comme ses parents, confrontés à des difficultés financières. Ils ne le lui ont pas dit mais elle les a surpris un soir, sans qu'ils le sachent, tous deux en pleurs dans la cuisine.
Louise, la narratrice, est alors une petite fille. Elle a cinq ans. Cela se passe au milieu des années 1970. A l'école elle veut jouer au ballon, mais la maîtresse lui dit: Louise, ce n'est pas pour toi le foot.
Louise refuse d'être différente des garçons, tout simplement parce qu'elle ne voit pas pourquoi ils auraient droit et pas elle de jouer au foot. Silencieusement elle est déterminée à ne rien accepter.
Ne rien accepter, ça veut dire ne pas faire comme les autres filles, mieux même, ne pas accepter d'être une fille, c'est-à-dire soumise à l'ordre des choses: Les hommes, les femmes, puis les animaux.
Elle a une vision: La fille se tenait au bord du fleuve. Au bord de la Garonne. Elle regardait l'eau, former des cercles, puis les défaire, ensuite les décomposer. Avec la fille, elle n'est plus seule.
Plus tard, au collège, au lycée ou à l'université, sa détermination ne faiblit pas et elle place l'intelligence avant le savoir: Ne pas suivre l'opinion majoritaire. Questionner les pensées qui arrangent...
Peut-être la fille du fleuve lui dirait-elle ce qui la meut dans sa vie de femme si elle la revoyait, et comprendrait-elle que, dès le début, elle préfère l'équivalence de toutes choses au regard d'exister.
Francis Richard
Un jour d'été que rien ne distinguait, Stéphanie Chaillou, 144 pages, Les éditions Noir sur Blanc