Jair Bolsonaro, n’a par exemple, pas hésité à mettre un fondamentaliste évangélique à la tête du département qui chapeaute les territoires indigènes. Hors les missionnaires qui y pénètrent se sont avérés être vecteurs de contamination. Il y a peu, un juge brésilien a contré la politique du président en interdisant l’accès des territoires indigènes aux missionnaires évangéliques. Cette décision fait suite à une demande de la part d’une organisation autochtone de la vallée de Jivari réclamant le droit à l’isolement. En effet, face au manque de moyens médicaux, la seule stratégie de prévention que puissent adopter les autochtones c’est de rester cachés, au sein de la forêt tropicale : "Les communautés ont décidés de rentrer à l’intérieur de leurs terres et d’éviter tout contact avec l’extérieur" explique l’un de leur représentant. La discrimination dans l'accès aux soins rend d'autant plus crucial le respect du droit à l'isolement. Victoria Taudi-Corpus, rapporteur des Nations Unies pour le droit des peuples autochtones, alerte : "Les autochtones n’ont pas accès aux mêmes soins que ceux qui vivent en ville (…) il y a cinq siècles l’isolement était notre solution. Elle l’est encore aujourd’hui. Les communautés indigènes ferment les routes et les voies d’eau qui mènent à leur village. Les Kokama d’Amazonie sont cependant déjà touchés". Le Brésil est le pays d’Amérique latine le plus touché par l’épidémie de Covid-19. L’Etat de Manaus, est actuellement la partie du pays où la progression de l’épidémie est la plus foudroyante. Manaus, capitale de l’Amazonie brésilienne, s’est transformée en cluster tropical. Sur place le nombre de cas de coronavirus augmente de manière exponentielle. Les autorités sanitaires semblent dépassées par la situation et les morts sont incinérés collectivement. "La situation est d’autant plus critique que beaucoup tentent de fuir la ville. On peut penser que certains d’entre eux sont porteurs asymptomatiques et qu’ils répandent ainsi la maladie ailleurs" s’inquiète Miguel Lago, directeur de l’institut de santé de la Police.
Dernièrement la mort d’un capitaine de la police de Manaus a ému l’ensemble des communautés autochtones du pays. Le capitaine Messiah Kokama, de la tribu des Kokama, est décédé du Coronavirus après une semaine d'hospitalisation. Il avait 53 ans et était père de famille. La tribu Kokama vit dans la forêt tropicale, répartie entre le Pérou, la Colombie et le Brésil. Beaucoup d’entre eux ont émigré à Manaus où ils vivent désormais. Les autorités de la ville ont fait une exception autorisant les membres de sa famille à rendre un dernier hommage au capitaine avec de véritables obsèques. Afin de prendre toutes les précautions, le cercueil a été emballé d'un film plastique pour faire barrage au risque de contagion. Les Kokama ne sont pas la seule tribu à être touchée. Même les communautés isolées en forêt, loin de la ville de Manaus, sont atteintes. Ainsi en amont de la rivière Solimoès, la tribu de Tikuna semble également payer un lourd tribu à la maladie. Des membres de la communautés auraient rapportés le virus dans le villages après être revenus d’un lieu en aval de la rivière où ils s’étaient rendus pour aller chercher leur salaire. Après leur retour beaucoup d’entre eux ont présentés les symptômes Covid, et deux d’entre eux sont décédés rapidement. Si du personnel de santé a bien été envoyé dans les villages, ces derniers ne disposent d’aucun équipement, ni de tests. Sinésio Tikema, leader d'un village, témoigne : "Nous sommes d’autant plus inquiets que l’aide n’arrive pas". Les Autochtones en sont donc réduits à faire appel aux médecines traditionnelles. Des inhalations à base de plantes médicinales brûlées, voilà le seul remède dont dispose la tribu Tikuna. Pas de quoi rassurer, quand on sait que cela se cumule à une situation d’isolement qui ne permet pas d’évacuer en urgence un malade vers des services de soin intensif. La plupart des villages Tikuna, situés à 1600 km de Manaus, en amont de la rivière, ne sont desservis que par bateau ou par de petits avions de tourisme. Foyer épidémique, l'amont de la rivière Solimoès, compte déjà 162 cas parmi les 76000 indigènes qui y vivent, 11 seraient morts. Force est de constater que face au Covid, les peuples autochtones d'Amazonie brésilienne, sont tout simplement abandonnés à leur sort.
Inaction du pouvoir brésilien, destruction du milieu forestier amazonien, manque de moyens et d'accès aux soins, sont autant d'éléments qui constituent un cocktail fatal pour les populations autochtones qui étaient déjà fragilisées. On peut dire que c’est un véritable ethnocide que se joue actuellement en Amazonie. Une politique, qui, dans le contexte de crise sanitaire lié au coronavirus, est en train de se payer en nombre de vies pour les derniers Amérindiens du pays. Demain, lundi 11 mai, c’est le grand jour, le jour dont on a tant rêvé, le grand déconfinement! C’est peu de dire que nous l’aurons attendu ce 11 mai. Les 55 jours de confinement ne furent certes pas aussi durs que les autres 55 jours, ceux de...