Quelques mots pour vous chers et talentueux disparus Jean-Loup Dabadie et Michel Piccoli ... Une élégance discrète, des jambes nues, chérir le désenchantement et bannir le désespoir, des brasseries enfumées et virevoltantes, des voitures qui roulent à toute allure, des photos mal cadrées, des femmes en robe Courrèges chaussées de ballerines, une mélodie de Philippe Sarde, des mots qui brisent le coeur sans exagération, le panache et la désinvolture, les villas rieuses de l'île de ré, des italiennes en exil à Paris, des rendez-vous manqués Place du Trocadéro, des lettres jamais reçues, des points de suspension, une certaine idée de l'art de vivre à la Française. Avec bon goût et une pointe de moquerie. En lisant Madame Bovary et en rêvant à haute voix du Marquis de Sade. Un raffinement camel et rose poudré, des rubans dans les cheveux, quelques gouttes de Shalimar à la naissance du cou, des cigarettes blondes exagérément fumées. Etre fatigué de s'aimer. Craindre la solitude. Une nostalgie entêtante. Un petit noir cul-sec au comptoir. Les poèmes de René Char dans un panier en osier. La vie en bandoulière. Des espadrilles pour l'été. Un verre de vin pétillant. La dolce vita et quelques nuages sans importance. Une location en bord de mer. Ce soir nous sommes septembre. Nous n'aurons plus rendez-vous. Un imperméable sur des épaules brunies par le soleil. Eteindre l'auto-radio. Partir en vacances sans valises. S'aimer en se quittant des yeux. Quelques fausses notes. Un gigot d'agneau trop cuit. Une fissure sur le mur du salon. Un accroc sur des bas de soie. Le soleil qui décline. S'embrasser sur le bout des lèvres. Taper un roman avec deux doigts à la machine. Le traduire en Allemand. Affabuler. Verschönen. Ne plus voir la route. Etre allongé sur l'herbe. Partir entre les coquelicots. Les choses de la vie. La mort n'est jamais loin. Reprenons un dernier verre et une cigarette. Escapade en sépia. Eclats de rire. Un filigrane. Nos vies l'un sans l'autre. Ne plus faire les magasins, oublier la date de notre anniversaire. Fermer la porte de la chambre. Désormais, les avions partiront sans vous.
Astrid Manfredi, copyright tous droits réservés le 25 mai 2020.