Pulp so far : 1994-2001 (Partie II)

Publié le 25 mai 2020 par Heepro Music @heepro


Que dire de ce groupe cultissime et de son leader ô combien charismatique qui, régulièrement, est cité comme étant l’un des meilleurs chanteurs et auteurs de ces dernières décennies ?

Alors que ce dernier va revenir, enfin, avec un tout nouvel album solo qui se fait attendre depuis les deux premiers remontant à 2006 et 2009, petit retour sur la discographie du quintet qui en a fait un dieu vivant au beau milieu des années 90.

Car pas de Pulp sans Jarvis Cocker mais, assurément, il n’y aurait pas eu ce même Jarvis sans Pulp – groupe fabuleux qui est devenu l’un des plus grands groupes britanniques grâce à la symbiose de cinq artistes tous aussi géniaux les uns que les autres, même si l’un d’eux, plus éblouissant encore, leur faisait involontairement de l’ombre.

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His ’N’ Hers, ou le premier tournant pour Pulp.

L’année 1994 fut en effet le big bang pour le quintet de Sheffield. Le début de la gloire, de la renommée, des concerts à foison… Bref, de ce qu’on appelle succès commercial. Mais il n’y a là rien de péjoratif. Car Pulp n’est pas un groupe comme les autres. Tout ça, aujourd’hui, on le sait. Mais en 1994, qu’en savait-on ? Rien du tout.

Autour de leur éternel leader charismatique, Russel Senior, Candida Doyle, Nick Banks et Steve Mackey sont alors bouleversants d’ingénuité. Le « pantin-chanteur », lui, est au top de ses capacités d’envoûtement. Aucun faux pas. De l’entrée en matière abrupte de « Joyriders » au génialissime et très enjoué « David’s last summer », on s’en prend plein la tronche.

Sommets de l’album ? « She’s a lady », lascif, lancinant. On sentirait presque une odeur de clope émanant du disque autour de nous ! Difficile de s’en remettre, surtout que « Happy endings » ne nous en laisse même pas l’opportunité et nous enfonce encore plus, avec son climax atteint à la 3ème minute. Ou encore « Pink glove » et ses gémissements qui confirme que les paroles, dont les titres, ne sont pas des métaphores. Très excitant.

Finalement, pourquoi n’avouerait-on pas que His ’N’ Hers est le premier chef-d’œuvre de Pulp ?

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L’un des meilleurs groupe de tous les temps, l’un des meilleurs albums de tous les temps, l’un des meilleurs singles de tous les temps, voilà ce que l’on peut lire, entendre, dire depuis 1995, année de sortie du cinquième album de Pulp.

Car Different Class fait partie de ces classiques, tel un Nevermind pour reprendre un exemple contextuel. Les chefs-d’œuvre ne s’écrivent pas, ne se composent pas, ils le deviennent sans que cela ne soit jamais rationnel. Cependant, les raisons d’un tel ouragan commercial et critique existent bel et bien, et sont-elles tout à fait rationnelles, car humaines.

Different Class a pour lui d’être arriver au bon moment, dans le bon contexte, d’avoir été parfaitement introduit par les singles de l’album précédent, de passer entre les mains de ceux qui s’arrachaient soit Blur soit Oasis. Combien de fois la « Britpop » s’est-elle vue réduite à ce combat de boxe imaginaire entre les Londoniens et les Mancuniens, alors qu’eux-mêmes ne faisaient rien d’autres que de suivre des chemins parallèles. Comme Radiohead, mais d’une façon totalement différente certes, Pulp ne cherchera jamais la popularité, ne laissera aucun présages les atteindre ou les guider.

Le prophète que représentait alors Jarvis Cocker n’est pas étranger à tout ce cirque : car il est sans l’ombre d’un doute l’une des plus belles plumes de toute la musique du XXème, un Serge Gainsbourg en version Oscar Wilde. Quant à la musique, l’osmose et la production sont tellement parfaites qu’il en devient alors difficile de pardonner aux autres artistes de ne pas savoir en faire autant.

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Pulp aurait pu ou dû être englouti par tant de folies autour du groupe et notamment de son leader ultra charismatique Jarvis Cocker. Un peu comme Nirvana. D’ailleurs, This Is Hardcore est d’une certaine façon leur In Utero à eux, pour de multiples raisons. Tout (ou presque), du titre lui-même, à l’incrustation du nom Pulp en noir sur fond noir mais ombragé de blanc, et surtout cette image d’une lascivité imparable, oui, tout semble sortir d’un autre monde que celui l’ayant précédé.

En douze titres, Pulp traverse une épreuve, avec « The fear » en ouverture et un écho à cette peur qui a disparu en fin d’album sur « The day after the revolution », avec des étapes sombres, difficiles, glauques, puis progressivement plus lumineuses (de cette lumière du matin encore naissant), mais toujours, aussi, ces thèmes tellement quotidien qu’il faut définitivement la classe de Jarvis Cocker pour leur donner tant d’impact : « Dishes », « Help the aged », « TV movie », « A little soul ».

Les moments-clés, voire subliminaux, sont tout simplement inimaginables : l’éponyme « This is hardcore » est magistral, avec un climax qui est sans doute aucun LE climax de la carrière de Pulp (avec les images du clip, c’est encore plus vrai). « Dishes », « TV movie », « A little soul », le bouleversant et presque épique « Seductive Barry ».

« The day after the revolution » ne se termine jamais, une note de synthétiseur garde le rappel de ce qui vient de se passer pendant l’album (et aussi pendant les quelques années de gloires monstrueuses du groupe), et Jarvis lâche un « bye bye » en écho à lui-même quelques minutes plus tôt, à la fin du morceau, qui dure et dure et dure…

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En 2001 sortait le septième album de l’un des plus grand groupe de Sheffield, Angleterre, pour ne pas dire l’un des plus grands tout court (ce que je pense profondément). La sortie de We Love Life sera post-11 septembre, et le titre de l’album y fait directement référence, de même que la chanson quasi-éponyme « I love life ». De toute façon, presque tout l’album semble célébrer la vie. Un véritable revirement par rapport au précédent, dont l’opposition sémantique des titres est évidente.

Musicalement, il est étonnant de voir à quel point Pulp ne faiblit plus ; en somme, le groupe de Jarvis Cocker aura su enchaîner quatre disques énormes, avec des succès commerciaux certes variés mais pourtant, dans l’ensemble, le statut emblématique gagné est tellement mérité. Pulp est peut-être tout simplement LE groupe anglais des années 90. Peut-être, sans aucun doute.

D’un autre côté, les paroles, elles non plus, n’ont rien perdu de leur mordant ou de leur impact littéraire. Jarvis Cocker possédait, et possède toujours, l’une des plus belles plumes de la musique de ces, disons, vingt dernières années.

Je ne vais pas m’arrêter sur les onze titres, ni même sur mes préférés, c’est à vous de les apprécier à leur juste valeur. Parmi les grands titres, je citerai tout de même : le très original « Weeds » et sa suite « Weeds II (the origin of species) », l’orageux et romanesque « Wickerman » ou encore les deux très bons singles « The trees » et le dernier du groupe, au clip génialissime, « Bad cover version ».


(in Heepro Music, le 25/05/2020)

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