Pas de presse en kiosques : comprendre les enjeux
Distribution de la presse
Depuis la liquidation par le tribunal de commerce de Paris, le 15 mai, des filiales régionales de Presstalis, la société chargée d’approvisionner les kiosques, aucune structure n’a pris le relais. À Marseille, les salariés de la SAD occupent leur dépôt et organisent ce soir un débat public pour présenter leur solution.
1. Des difficultés anciennes
Confrontée à des difficultés économiques et financières anciennes liées à la baisse structurelle des ventes de la presse écrite, la société Presstalis s’est déclarée en cessation de paiements le 20 avril, en plein confinement. Des restructurations incessantes l’avaient profondément fragilisée. Les gros éditeurs qui sont à la fois ses actionnaires et ses clients sont accusés par les salariés d’avoir sciemment précipité la chute de l’entreprise pour reconstruire un modèle plus rentable.
2. 512 licenciements
La décision du tribunal de commerce de Paris de liquider les filiales régionales (SAD) de Presstalis et de placer la maison mère en redressement judiciaire implique 512 licenciements dont 140 à Marseille. Une catastrophe sociale mais aussi économique puisque pour l’heure la presse n’est plus distribuée qu’en Île-de-France.
3. Le pluralisme attaqué
La situation est extrêmement dommageable pour la pluralité de la presse. Les petits éditeurs ou les journaux indépendants des grands groupes financiers comme LaMarseillaise (lire ci-contre) sont doublement menacés. D’abord, ils ne sont plus disponibles en kiosque depuis 14 jours ce qui représente un évident manque à gagner. Ensuite, ils sont confrontés à une incertitude totale sur les conditions dans lesquelles leur distribution pourrait être prise en charge par d’éventuelles nouvelles structures. Pour l’heure, malgré une volonté affichée par la direction de Presstalis de mettre en place des solutions de contournement de ses anciennes filiales, elle s’est révélée incapable d’y parvenir.
4. Imprimeries menacées
Alors que la plupart des publications avaient déjà drastiquement réduit leur tirage à cause du confinement, certaines ont stoppé leur impression en région du fait de l’impossibilité d’être distribuées. Une situation qui met les imprimeries en graves difficultés comme dans les Bouches-du-Rhône, l’imprimerie MOP de Vitrolles qui avait échappé à une liquidation judiciaire en 2017.
5. Des kiosquiers en danger
Dans la vaste restructuration du secteur qu’ils souhaitent, les gros éditeurs ont fait leurs calculs. Environ 80 % du papier est écoulé par 20 % des points de vente. C’est ceux-là qu’ils souhaitent conserver pour maximiser la rentabilité des opérations de distribution au détriment d’une couverture du territoire de nature à garantir à tous l’accès à la presse. Les kiosquiers qui ont vu leurs difficultés s’accélérer avec le confinement et qui sont privés de papier depuis 14 jours paieront un lourd tribut si une issue n’est pas rapidement trouvée.
6. Le poison de la mise en concurrence
La distribution de la presse est régie depuis la Libération par les principes de la loi Bichet. Inspirée du programme du Conseil national de la Résistance elle est fondée sur des principes fondamentaux : égalité de traitement des exemplaires, impartialité quant aux contenus, groupage des titres et péréquation des coûts. Une réforme portée par la majorité en place a profondément modifié cette loi le 18 octobre 2019, autorisant une concurrence géographique qui met à mal le principe du pluralisme de l’information sur le territoire et prévoit une dérégulation complète en 2023.
7. Une solution immédiate sur la table
Le chaos dans lequel est plongée la distribution de la presse depuis la décision du tribunal de commerce de Paris, vise-t-il à accélérer l’arrivée d’acteurs low cost et la transformation du secteur ? Les titres régionaux qui disposent de leur propre système de distribution ne semblent pas pressés de se positionner. Si des scenarii de contournement se discutent probablement en coulisses, la seule solution sur la table pour une reprise immédiate de la distribution de la presse est portée par les salariés. Ils disposent des compétences et de l’outil de travail pour assurer cette mission. Ils proposent donc qu’un opérateur public qui pourrait être La Poste soit porteur de leur activité de façon transitoire, le temps de donner une existence juridique à une Société coopérative d’intérêt collectif capable d’assurer la distribution de la presse en régions et dans la durée.
25/05/2020