Bernhard lance souvent en rigolant tu commences quand la vrai vie? Peter ne comprend pas de quoi il parle. Il ne savait pas qu'il y en avait une fausse.
Peter und so weiter: seul compte le prénom, le nom importe peu. Peter est monsieur tout le monde, il est transparent. Il habite le dorf Z. et se laisse porter par la vie. Pour survivre, il fait la plonge au Café du Nord et donne un coup de main aux Petits-Bras qui tiennent l'épicerie du dorf.
Il est tellement transparent que sa voisine du dessous, la Dame sans nom, qu'il croise souvent, ne sait toujours pas qu'il habite le même immeuble qu'elle depuis cinq ans. Il faut dire qu'elle est restée dans le monde d'avant qui n'a rien à voir avec celui d'aujourd'hui: Früher était normal...
Ébranlé par la question de Bernhard, Peter se demande ce qu'est la vraie vie. Plutôt que d'en faire l'apprentissage en écoutant, en sentant, en regardant, en goûtant ce qui se trouve autour de lui, avant d'avancer, il interroge une voyante pour savoir quel sens donner à son existence.
Celle-ci, une dénommée Micha, lui dit d'abord d'attendre. Ce qui n'est guère volontaire. Ce qui peut se comprendre si attendre est limité dans le temps, juste avant d'agir. Au bout de quelques interrogations tarifées, elle lui lâche une prédiction vague qui ne risque pas d'être démentie.
Au Schriftsteller qui fréquente le Café du Nord, Peter raconte: Micha a parlé d'une inconnue et d'un inconnu, mais le dorf est grand et beaucoup d'habitants sont inconnus pour Peter, comment savoir laquelle et lequel sont les bons? Cela a le mérite de le mettre en mouvement.
(Nina [la serveuse du Café du Nord] dit qu'il parle à la troisième personne, mais Peter répond qu'il parle à toutes les personnes...)
Peut-être écoutera-t-il la voix extérieure, qui s'adresse à lui pendant ses déambulations. Peut-être qu'à force de déambuler et de partir pour la solitude, comme il le fait lorsqu'il prend le train, finira-t-il par rencontrer l'inconnue et l'inconnu dont Micha lui a prédit la rencontre.
Les horoscopes et les petites annonces que Peter lit ne lui sont pas d'un grand secours pour trouver trace de l'inconnue qui est devenue dans son imaginaire Celle avec le regard qui le regarde et le sourire qui sourit. S'il la rencontre vraiment, la vraie vie ne pourrait-elle pas lui venir?
Francis Richard
Peter und so weiter, Alexandre Lecoultre, 128 pages, L'Âge d'Homme