Tais-toi, mon amour. Ou parle-moi de toi. De la mer. J'aimerais que toi et moi nous ne parlions que de la mer.
Est-ce que ça va ? Si vous le désirez, nous pouvons arrêter. Non, ça va. J'aimerais juste marcher un peu.Que tu dois être belle quand tu danses sous cette robe. J'aimerais te regarder tourner comme une toupie, comme un cerf-volant, comme tout ce qui tourne et nous emporte au loin. J'aimerais te regarder danser, bouger sous ta robe, sur n'importe quelle musique. Tu serais à la fois la musique et la danse. Tu serais le mouvement. Tais-toi, mon amour, et laisse-moi te regarder bouger.
Lyonel Trouillot : extrait de "Bicentenaire", Actes-Sud, 2004 Du même auteur, dans Le Lecturamak :Et elle avait rangé son calepin, payé la note, et ils avaient marché dans le hall, vers le soir, et ils avaient regardé le soir ensemble, de la terrasse de l'hôtel. Et c'est à ce moment, alors qu'il a envie de lui prendre la main, d'oser la regarder vraiment, qu'elle fait sa réflexion idiote sur la chance d'avoir le soleil. Non, mon amour, ne dis pas ce genre de bêtise. Et lui qui ne se met jamais en colère (...)- s'était mis à crier qu'il en avait marre du soleil, de cette interview à la con, mais pas de toi, non, pas de toi, si on ne parle pas de tout ça ; et le garçon s'était approché pour demander à l'étrangère si tout se passait bien, et elle avait dit oui, tout se passe bien, et elle avait commandé un rhum pour elle et un scotch pour lui. Ils ont continué à regarder le soir, parlant peu, prenant le temps d'être nulle part, et les choses dont ils ont parlé n'étaient pas de celles qu'une journaliste en mal de scoop pense à noter dans son calepin...