J’ai longtemps vécu sans l’idée de découvrir Lisbonne. Trop loin et presque trop exotique pour moi comme voyage ! Et puis j’ai lu Pessoa, fantôme de Lisbonne déjà de son vivant. Je voulais guetter ce spectre de papier, marcher derrière son ombre ou plutôt ses ombres frôlant désormais tous les murs de la capitale portugaise, attraper le tram de la ligne 28 comme tous les touristes et enfin, par nécessité dirais-je, chercher où souffle encore l’esprit de l’Occident en ces temps angoissants où l’on veut lui faire la guerre pour ce qu’il a de plus beau et de plus noble. Et si le réveil de l’Occident aliéné pouvait encore venir du Portugal, ce pays pourtant devenu le confetti de son propre empire où une ligne directe relie l’immense et malchanceux Luis Vaz de Camões à l’insaisissable Fernando António Nogueira Pessoa, les deux héros posthumes du panthéon littéraire portugais dont les gloires tardives croisent désormais toutes voiles dehors telles deux caravelles sur l’océan du temps ?