C’est sur plan que ses parents ont acheté ce petit appartement dans une ville nouvelle dans les années 1970. Chrystelle en hérite à la mort de son père et vient s’y installer avec Luc, un jeune urbaniste qui travaille à la Mairie. Nous sommes dans les années 1990. Lui se réjouit d’abord d’une ville sous cloche mais le quotidien peu à peu ne le satisfait pas : le court trajet domicile-travail ne lui laisse pas de temps, la vue qui lui a tellement plu depuis l’étage le plus haut de l’immeuble l’inquiète à présent, absence de verdure, règlements d’occupation. Elle, à 19 ans, ne sait pas quoi faire de sa vie : elle interrompt deux fois ses études, ne trouve pas de travail satisfaisant, mesure les désaccords avec Luc… Notamment sur la question de l’engagement social. Lui pense les quartiers qui seront construits sur les terrains vagues aperçus depuis la passerelle qui enjambe une quatre voies. Elle s’inquiète de la guerre qui menace en Irak et décide de s’engager auprès du Parti communiste. Son père lisait L’Humanité et Le Monde. Luc pense qu’on ne peut rien faire pour infléchir les décisions d’un gouvernement. Chrystelle ne veut pas rester enfermée dans sa petite vie individuelle, dans son appartement (où le réfrigérateur qu’elle a commandé ne trouve pas sa place) et choisit d’agir en politique.
Quand, dans un roman, un couple s’installe, on pense au livre de Georges Perec, Les choses. Ici, l’appartement ne se meuble pas : un des amis du couple dira que Pier Import n’est plus à la mode. Et il est même question, à la fin, d’envisager de vendre l’appartement : on ne s’y est jamais installé, comme ils ne se sont jamais installés dans cette ville nouvelle qui n’a pas répondu à leur désir. Et la guerre en Irak a été votée par l’Assemblée nationale et occupe les journaux télévisés mais ils n’ont pas la télévision.