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Fils d’un violoniste, Michel Piccoli n’est donc pas attiré par le piccolo et déjà, se pique au lit, dès sa naissance, le 27 décembre 1925 à Paris, de l’idée d’être artiste mais pas forcément avec l’art chez Euterpe, car au niveau théâtre, la muse y cale !
Oui, il est passionné par les planches et fait feu de tout bois pour intégrer une troupe, une fois la guerre finie. L’adolescence corrézienne achevée, l’Allemagne capitule mais lui ne fera pas cap à Tulle ! Il intègre la compagnie Jean-Louis Barrault en Renault, ce qui lui restera une Madeleine (de Proust) ! A 20 ans, il est à l’affiche d’une pièce L’Invasion de Léonid Léonov, un dramaturge russe car l’âme ose coup ! Oui, son âme saltimbanque lui fait tenter le moindre rôle sans sourciller, même s’il les a Pompidoliens (les sourcils).
Il brille d’une brève apparition au cinéma dans Sortilèges de Christian-Jaque.
- Mon talent, sorti l’ai-je ? S’interrogera-t-il au regard du peu de temps de présence sur la pellicule.
Oui, Michel, même dans la fugacité ton talent s’étalant sait taller, bourgeonner !
En 1949, il commence à décrocher des vieux cadres de photo sépia de son appartement et des petits rôles dans deux films de Louis Daquin : Le parfum de la dame en noir, avec Serge Reggiani et Le point du jour où, le temps des pauses, il se marre avec Jean de saillies.
Durant les années 50, les seconds rôles lui tendent les bras, sauf les manchots, ça va de soi, comme dirait un type qui rêvait d’être enterré à la plage de Sète.
Il tourne notamment sous la direction de Jean Delannoy (Destinées – 1952), Luis Buñuel (la mort en ce jardin – 1956) ou encore Pierre Chenal (Rafle sur la ville – 1958). Chenal a beau lui dire qu’il va bientôt toucher le port, il peine à percer ! Dans ce métier au fil de l’eau, comment pousser l’étrave ailleurs ?
Heureusement, l’émergence du petit écran, au début des années 60, va lui permettre des subsides alimentaires sous formes de cachets à avaler entre les repas sages. On le voit dans Montserrat (1960), un téléfilm de Stellion Lorenzi, Egmont (1961) de Jean Paul Carrère, une adaptation de l’œuvre de Goethe ou encore Hauteclair (1961) de Jean Prat où il a la chance de croiser Mireille Darc.
En 1962, Michel Piccoli obtient un rôle dans le long-métrage de Jean-Pierre Melville, Le Doulos où brille un certain Belmondo qui se mêle, vil, à des sombres histoires de gangsters.
Mais c’est surtout l’année suivante, en 1963, qui se révèle grâce à son rôle de mari mis en quarantaine (bien avant le Covid-19), par sa femme interprétée par Brigitte Bardot. Le film, Le Mépris, de Jean-Luc Godard, montre toutes les facettes du talent de l’acteur. C’est dans ce film, contenant un film, que BB lance à Piccoli : - Et mes fesses ? Tu les aimes mes fesses ? On aurait pu imaginer la réplique de Michel : Oui, c’est du Lisse, en clin d’œil à l’Odyssée que le scénariste (qu’il incarne dans le film) devait adapter pour le cinéma.
Ce film agit comme un détonateur ! Dès lors, l’acteur est sollicité par les plus grands réalisateurs. Costa-Gavras l’embauche dans Compartiments tueurs (1965), une œuvre qui chemine haut dans l’horreur dans laquelle nous divaguons (noue dix wagons ?). Jacques Demy le recrute dans Les Demoiselles de Rochefort (1966) où il incarne Mr Dame, un nom fort ridicule qui déplaît à sa compagne (Danielle Darrieux), laquelle le quitte ! Dès lors, son âme s’terre, Dame, jusqu’au retour à Rochefort !
Hitchcock lui-même lui confie un rôle dans le thriller L’Etau (1969) un film sur fond de guerre froide, où l’on trouve également Philippe Noiret !
Dans les années 70, il devient l’acteur fétiche de Claude Sautet. Le metteur en scène le fera tourner dans le merveilleux film « Les choses de la vie » (1970), Max et les ferrailleurs (1971), César et Rosalie (1972), Vincent, François, Paul et les autres (1974), Mado (1976). Dans plusieurs de ces films, il forme un couple extraordinaire avec Romy Schneider. Une passion, jamais vraiment déclarée mais que beaucoup de médias aiment à entretenir.
En 1973, Marco Ferreri le lance dans l’aventure de La Grande Bouffe, un film qui créera la polémique et lui vaudra des crachats lors de la présentation au festival de Cannes. Aujourd’hui, reconnu comme film culte, l’œuvre est considérée comme l’emblème de la dénonciation d’un système qui court à sa perte : une satire du consumérisme, de la décadence d’une bourgeoise qui se goinfre jusqu’au suicide !
Au cours des années 1980, l’acteur demeure aussi populaire et joue notamment pour Yves Boisset : Espion, lève-toi ! (1981), Le prix du danger (1982). Il est filmé par Michel Deville : Péril en la demeure (1984), Le paltoquet (1986) à ne pas confondre avec un délaissé du guide Michelin qu’on nomme pâle toquet, ou par Claude Lelouch : Viva la vie (1983), Partir, revenir (1984).
Il remporte de nombreux prix : Prix d’interprétation masculine au festival de Cannes en 1980 pour Le saut dans le vide (de Marco Bellochio), l’Ours d’argent du meilleur acteur en 1982 pour Une étrange affaire (de Pierre Granier-Deferre), le prix du meilleur comédien du Syndicat de la critique en 1988 pour Terre étrangère (de Luc Bondy).
Dans les années 90, l’acteur tourne avec Rivette, un héros de la nouvelle vague, la belle Noiseuse (1991). Il incarne un vieux peintre qui cherche à finir un tableau abandonné depuis 10 ans. Il trouvera un modèle en la personne de Marianne, interprétée par Emmanuelle Béart, actrice à la plastique envoûtante, à fleur de Pau quand, sur l’écran, le corps de Béart naît !
Parallèlement, l’acteur passe derrière la caméra et réalise Alors voilà en 1997, puis La plage noire en 2001, un film qui évoque les dictatures qui édictent à tort et C’est pas tout à fait la vie dont j’avais rêvé, en 2005.
Acteur prolifique, Michel Piccoli poursuivra sa carrière sur les planches dans les années 2000, à l’affiche de nombreuses pièces : La jalousie (de Sachat Guitry – 2011), Le Roi Lear (de Shakespeare 2006-2007)…
Au cinéma, il campe le rôle du souverain pontife dans le film de Nanni Moretti, Habemus Papam, qui lui vaut le David di Donatello du meilleur acteur en 2012. Il incarne un Pape qui ne veut pas se faire les dents tant la charge ça sert d’os !
Le 12 mai 2020, l’acteur meurt à l’âge de 94 ans des suites d’un accident cérébral. Il nous laisse en héritage un visage expressif, une manière élégante de tenir tous les rôles, une belle image du cinéma français, celui de la nouvelle vague mais aussi celui de la jeune génération. Il laisse aussi l’image d’un homme engagé, très à gauche, soutenant le Mouvement de la Paix, Amnesty International.
Une belle âme nous a quittés…