Plus rien ne sera comme avant : c'est ce qu'on entend concernant l'histoire que nous vivrons dans le monde d'après. Vraiment ? Ce storytelling promis comme étant de disruption est-il bien ce qui nous attend ?
"Plus rien comme avant" : les hommes et les femmes politiques nous le servent, les commentateurs "experts" sur Facebook, le voisin de palier, et même le médecin généraliste qu'on croise... Bref, tout le monde a l'air sûr de son fait. C'est entendu. Même si on ne sait pas exactement si cet après, c'est juste après le confinement, un mois après, trois, six, un an ? Bref...
- Exemple : les entreprises, l'économie, la croissance, la consommation, ces choses là. On en entend beaucoup parler.
Mais est-ce qu'on ne mélange pas tout ? Est-ce qu'on agglomère pas un storytelling qui existait déjà bien avant en le mettant à la sauce Covid-19 ?
La chaîne de grands magasins américaine JC Penney sonne son clap de fin et voilà que l'on nous présente cela comme le signe d'un changement de paradigme de la part des consommateurs :
- Voilà le signe d'un changement d'orientation de ces derniers en faveur du petit commerce de proximité, si possible bio, en circuit court. Et pas que pour les produits alimentaires.
- Mieux encore : c'est la première étape de la fin de la société de consommation : témoin aussi, des likes et ces commentaires enthousiastes sur Facebook sur les statuts de gens qui clament fièrement ne pas avoir acheté quelque produit que ce soit en grand magasin depuis 3 ans.
Très certainement, le coronavirus va amener certaines personnes qui n'étaient pas branchées bio et local d'en consommer plus. Ou de moins consommer de manière générale. Ou de... Mais y'a-t-il là matière à un grand soir disruptif, qui révolutionnerait l'économie ?
Quand bien même il y aurait disparition de grandes enseignes ou marques... Ce ne serait que la continuation d'une tendance lourde. Le patron de la célèbre firme américaine Cisco, John Chambers, avait dit il y a déjà quelques années que 40% des entreprises les plus florissantes disparaîtraient sous 10 ans. Autre élément chiffré : si les entreprises les plus riches des années 1920 avaient une espérance de vie de 67 ans, leur durée de vie est réduite à 15 ans de nos jours. Donc la disparition de fleurons de l'économie n'a aucune signification en termes de grands changements. Pas plus hier qu'aujourd'hui. C'est la vie des entreprises, et leur mort, c'est tout. Il n'y a pas d'autre signe de quoi que ce soit à chercher.
De grandes entreprises ont décliné, de petites entreprises sont devenues des géants, c'est dans l'ordre des choses. On sait que 75% des entreprises du classement actuel des 500 fleurons de l'économie auront été remplacées par d'autres en 2027. Ainsi va l'économie, coronavirus ou pas.
- Exemple : les technologies, le digital.
Et côté commerce de proximité, on peut aussi penser qu'il pourrait bien être labellisé... Amazon. Les ambitions dans l'alimentation et la santé du géant des services en ligne sont connues depuis longtemps. Ses infrastructures logistiques bien réparties et donc de proximité peuvent lui permettre de transformer ces rêves en projets concrets. D'ailleurs, il semble bien qu'Amazon ait été un intermédiaire de choix pendant le confinement, pour permettre à de nombreux petits producteurs et PME de faire du chiffre. Que les esperits chagrins leur assurent un volume de commandes identique et ensuite, ils pourront donner des leçons... Tout cela me fait bien penser aux pharmaciens "scandalisés" par les méchants supermarchés pour l'achat de masques (hé, les gars, pour acheter du stock, il faut pouvoir le payer !).
Horreur pour certains, bienfait pour d'autres... C'est affaire de point de vue. On entend aussi que voilà, c'est fait. Sur Facebook encore, se multiplient les témoignages de pratiquants du télétravail depuis 20 ans qui vous disent bienvenue dans leur vie de rêve. D'ailleurs, des entreprises comme Peugeot annoncent la généralisation du télétravail pour leurs équipes hors production. Twitter aussi... Voilà, il est donc là le grand changement digital : nous télétravaillons, une disruption née du Covid-19.
Vraiment, là encore ? Ne passe-t-on pas à côté de la véritable histoire ? certes, nous avons gagné du temps sur l'adoption d'une culture digitale dont beaucoup étaient encore éloignés il y a quelques semaines. Mais la vérité de l'histoire n'est-elle pas ailleurs ?
Bien avant le coronavirus et le confinement, des changements lourds et invisibles pour beaucoup étaient déjà à l'oeuvre. Ils se sont poursuivis pendant le confinement et certains se sont même concrétisés au beau milieu de cette période. A un niveau bien plus profond que la pratique du télétravail, l'architecture de notre société digitale se met en place. C'est la solution de blockchain à vocation mondiale lancée par la Chine, fin avril 2020. L'infrastructure serait déjà disponible en France, d'après l'expert Jean-Michel Billaut. C'est, toujours venu de Chine, le yuan digital, monnaie nationale en cours de lancement, et qui va mettre la pression sur l'euro. Les Pays-Bas ont déjà fait acte de candidature pour un éventuel euro digital. Sans oublier le libra de Facebook qui pourrait finalement voir le jour et pas forcément dans très longtemps, avec un attrait pour des paiements sur la marketplace du réseau social. On peut ajouter l'Ethereum nouvelle génération, annoncé pour le mois de juillet. Il est là le monde digital de demain : dans les infrastructures, pas dans les usages, qui ne sont que de l'activité de surface.
C'était donc deux illustrations - histoires de ce storytelling de demain qui s'écrit aujourd'hui ou plutôt continue de s'écrire aujourd'hui.
Et si vous aussi, vous avez envie d'écrire votre storytelling de demain, c'est ici que ça se passe. Dans une démarche prospective, on a tout avantage à s'intéresser aux techniques narratives pour apporter une contribution productive.