Michel Piccoli, un acteur si proche

Publié le 20 mai 2020 par Paulo Lobo

Il était de ces acteurs qui ne font pas beaucoup de vagues en dehors de leur travail. S'il était incontestablement une "star", il ne le paraissait pas. Il était proche de nous. Il avait une intelligence, une élégance, une humilité, on sentait qu'il aimait les gens tout en se posant plein de questions sur lui-même. La plupart des films auxquels il a participé étaient des paris artistiques avant tout, rarement des choix commerciaux. Il nous laisse toute une filmographie à revisiter ou à découvrir. 

Il y a les grands films mythiques, Les Demoiselles de Rochefort, La Belle Noiseuse, Le Mépris, Les Choses de la Vie, La Grande Bouffe... Et puis il y a plein de films moins connus, parmi lesquels l'un des plus beaux était "Je rentre à la maison" de Manoel de Oliveira. 

Portrait par Richard Dumas/Vu


Il y a aussi  "Milou en Mai" de Louis Malle et "Une étrange affaire" de Pierre Granier-Deferre. Des films avec Godard, Ferreri, Buñuel, Oliveira, Demy, Doillon, Resnais, Raoul Ruiz, Rivette... Du cinéma français et européen d'auteur, auquel il amenait grâce, profondeur et clarté.
Un acteur unique qui jouait des rôles uniques, des personnages avec des doutes, des fêlures, des colères, des erreurs. des personnages vrais, parfois déroutants, mais Michel savait les rendre vraisemblables et riches.
Ma femme s'est étonnée hier "Mais tu t’émeus tellement quand meurt un acteur/réalisateur, comme si tu les connaissais, c'est si étrange!"Elle a raison, c'est étrange que j'aie le cafard quand meurent des êtres comme Michel Piccoli, Kirk Douglas ou Agnès Varda. Pourtant, je ne les ai jamais rencontrés dans ma vie, je ne leur ai jamais serré la main. Mais j’ai l’impression que je les connaissais, ils m'ont accompagné depuis ma prime jeunesse, je me sentais proche de leur voix, de leur façon de parler, de leur sensibilité. Ils avaient imprégné avec tellement de puissance des moments de vie au cinéma. Michel Piccoli par exemple est indissociable dans mon esprit de Paul Javal (Le Mépris), de Simon Dame (Les Demoiselles de Rochefort) ou de Édouard Frenhofer (La Belle Noiseuse).Cela me rend triste de voir partir des gens comme ça, peu importe leur âge ou les circonstances de leur mort (Michel Piccoli par exemple a tenu la route jusqu'à 94 ans!).De les voir s'enfouir dans les tréfonds du temps, cela me donne comme un vertige. Je pense à la vanité de toutes choses.Je pense à la beauté de la vie et de l'expression artistique.Je pense au départ un jour prochain d'autres personnes que j'aime, je pense à mon propre départ un de ces jours, qui lui aussi me chagrinera.Et que retiendrons-nous de cette existence qui nous a portés dans ses bras ? Les rêves éveillés ? Les clameurs ardentes ? Les larmes indécentes ou les rires désoeuvrés ? Qui se souviendra de nous ?