Magazine Environnement

Le Figaro, nouvelle agence de com de l’Elysée

Publié le 09 juillet 2008 par Hmoreigne

images.1215587531.jpg  On n’arrête pas Etienne Mougeotte. Le directeur des rédactions du groupe Le Figaro ne ménage pas ses efforts pour faire d’un grand quotidien un simple relais d’information de l’UMP et de l’Elysée. Dernier rebondissement, la publication en Une d’une interview du Président Syrien Bachar El Assad. Une interview guimauve aux accents de publireportage où les questions gênantes ont été soigneusement occultées.

Double séisme au Figaro. Confronté à des difficultés économiques, le quotidien doit dans le même temps subir le revirement éditorial imposé par Etienne Mougeotte ex numéro 2 de TF1 évincé sans trop de manières par Martin Bouygues et recasé au Figaro. Depuis sa nomination en novembre 2007 Etienne Mougeotte n’a de cesse de vouloir imprimer sa marque.

A l’inverse de son prédécesseur, Nicolas Beytout qui avait réussi à convaincre le propriétaire du titre Serge Dassault, de laisser à la rédaction une liberté éditoriale, Etienne Mougeotte donne dans l’excès de zèle. Son arrivée s’est traduite par de multiples controverses, absolument pas anodines.

Tout commence en décembre lorsque Manuel Valls transmet une tribune sur les retraites qui lui avait été commandée par la rédaction du quotidien pour les pages “Débats-Opinions”. Elle ne sera jamais publiée. Le maire PS d’Evry est le député de la 1ère circonscription de l’Essonne qui couvre la ville de Corbeil-Essonnes, dont le sénateur-maire UMP est Serge Dassault,  adversaire malheureux de Valls aux législatives de 2002.

En janvier survient l’épisode du titre mensonger qui reprenait des propos attribués à Michel Rocard (Rocard propose de payer les profs au mérite) qui avait amené l’ancien Premier ministre à démissionner dela commission Pochard. Dans un lettre d’explications aux membres de la commission, Michel Rocard confiait “L’étonnant est que cela vienne du Figaro, peu coutumier de ce genre de choses. Mais il a changé de direction il y a quelques mois, le nouveau directeur de la rédaction vient de la télévision commerciale. Il est un de ces boute-feux majeurs dans le paysage audiovisuel français. Je vois une trace nette de son état d’esprit dans ce qui vient de se passer…”.

Quelques temps plus tard Eric Dupin, blogueur spécialisé dans l’analyse des sondages et chroniqueur au Figaro depuis fin 2006, se voyait signifier la fin de son contrat. L’intéressé l’attribue à la baisse de popularité de Nicolas Sarkozy. En off, il serait suspecté d’avoir une sensibilité de gauche.

De façon moins visible de l’extérieur, Etienne Mougeotte a entrepris une vaste transformation du quotidien sur le fond mais aussi la forme, avec la modification du rubriquage mais aussi dans le style. Sous prétexte de « proximité » la ligne recherchée serait en fait plus proche du « populaire » dans un ton qui se rapproche de RTL et du Parisien … ou de TF1.

Coup d’éclat cependant ce lundi. Le Figaro publie en Une “Une interview exclusive : Bachar el-Assad : «La France doit jouer un rôle direct pour la paix au Proche-Orient»”. Pour l’occasion Etienne Mougeotte a fait le déplacement à Damas. Si l’annonce est alléchante : “Attendu samedi en France pour participer, dimanche, au sommet euro-méditerranéen, le président syrien a donné lundi une grande interview au «Figaro»”, la suite est loin d’être àla hauteur.

La photo est opportunément fournie par la présidence syrienne avec une légende qui donne le la : “Bachar el-Assad : «Nous empruntons le chemin de la démocratie, c’est un long chemin»”.On serait presque étreint par l’émotion si l’on ne connaissait pas la réalité de la situation actuelle marquée par un raidissement à l’égard des journalistes et intellectuels qui s’entassent dans les geôles syriennes. On trouverait presque sympathique ce jeune dirigeant, reconduit à la présidence de la République avec 97,62% des voix exprimées lors d’un référendum organisé le 27 mai 2007. En digne fils de Hafez El-Assad, il n’a jamais renié les exactions commises sous son père notamment à l’égard de la France au Liban avec l’assassinat de l’ambassadeur Louis Delamarre en 1981 et l’attentat contre un poste de casques bleus qui s’était traduit par la mort de 58 parachutistes français en 1983.

On ne saura pas ce que pense avec le recul le président Syrien de ce lourd héritage. Etienne Mougeotte a choisi de faire table rase du passé. La question ne sera pas posée. Pas plus que celle sur les accusations portées en janvier 2006, par l’ancien vice-président syrien Abdel Halim Khaddam, en exil à Paris, qui a accusé Bachar al-Assad d’avoir menacé Rafic Hariri, quelques mois avant son assassinat, ainsi que d’être l’une des têtes d’un système mafieux s’étendant à la Syrie et au Liban.

Non, ce vrai travail difficile de journaliste, Etienne Mougeotte l’avait laissé à Paris, trop préoccupé de déminer pour le compte de l’Elysée l’invitation indécente du représentant du régime Syrien à la tribune d’honneur pour le défilé du 14 juillet sur les Champs-Elysées.

Les lecteurs du Figaro apprécieront. Mais, sur le site internet du quotidien, on pouvait relever dans les premières réactions le commentaire de « Bix the Cat » : “un dictateur en photo pleine page, bravo ! Félicitations au Figaro, journal décomplexé qui fait figurer en une, et en photo pleine page s’il vous plaît, un des pires dictateurs de la planète ! Tout ça pour complaire à l’ami Sarkozy qui a invité ledit dictateur à sa fiesta du 14 juillet et qui a bien besoin de ses relais médiatiques pour que l’image de son invité soit adoucie.”


Retour à La Une de Logo Paperblog