A quelques semaines des 29e Olympiades organisées dans la capitale chinoise, Amnesty International profite de la mise en lumière médiatique pour publier un recueil de textes sur la situation des droits humains en Chine.
La situation politique et sociale
L'attribution des J.O. à Pékin a été décidée par le Comité International Olympique en 2001. Déjà, à l'époque, la Chine était pointée du doigt pour ses manquements en matière de droits sociaux et humains. Mais l'organisation olympique avait assuré que ce serait l'occasion idéale pour obliger la Chine a évoluer, à s'humaniser. Force est de constater que la réalité est tout autre : au bout des sept années de préparation, la situation n'a que très peu évolué. Les journalistes ne peuvent toujours pas exercer librement leur activité, et certains journalistes étrangers rencontrent même plus de difficultés qu'auparavant, le gouvernement ayant renforcé la délivrance des visas, et leur circulation devant se limiter aux quartiers olympiques. Quelle peut être la raison de cette restriction, sinon de les confiner à la vitrine olympique, et éviter que certains ne découvrent la réalité que vit le peuple chinois, dans les campagnes et les autres villes ? Pour faire bonne figure, le gouvernement central, désireux de laisser transparaître une image parfaite de "son" événement, a annoncé que certains contrôles seraient levés pendant la durée des Jeux Olympiques. On ignore s'ils seront rétablis après l'événement.
Toutefois, il serait faux d'affirmer que cette relative tolérance s'applique à tous les journalistes : les reporters locaux ont droit à un traitement de dé faveur. Le gouvernement n'hésite pas à censurer les sujets, voire à recourir à la détention à domicile, pour qu'un sujet sensible ne soit abordé publiquement. Les fauteurs de troubles sont régulièrement accusés de "divulgations de secrets d'Etat" ou de "subversion". Pourtant le discours officiel est tout autre : la Chine est signataire de pactes garantissant la liberté d'expression. L'article 35 de sa Constitution garantit même aux citoyens chinois "la liberté de parole, de presse, de réunion, d'association, de défilé et de manifestation". Pourtant, les journalistes chinois, plus encore que les étrangers, sont régulièrement incarcérés, parfois tués, ce qui encourage l'autocensure.
Dans les cas les plus extrêmes, la peine de mort est toujours pratiquée, malgré le fait que les autorités se soient engagées à la réformer lors de l'attribution des Jeux. Le nombre d'exécutés n'a jamais été clairement dévoilé par le régime. Selon certaines sources, il y aurait eu environ 8 000 exécutions en 2006. Cela correspond à treize fois le nombre total d'exécutés dans le reste du monde. L'injection léthale tend à remplacer la balle dans la nuque : elle facilite le prélèvements d'organe (99% des organes transplantés proviennent d'un exécuté). Ces traitements inhumains donnent lieu à certaines polémiques : il semblerait que des prélèvements aient lieu sur des condamnés qui ne sont pas encore totalement décédés, mais la fraîcheur des organes prime sur la dignité humaine. Une loi de 2007 interdit tout prélèvement sans consentement du donneur, mais elle ne concerne pas les exécutés.
Des criminels condamnés à mort lors d’un procès public à Zhuzhou (province du Hunan, centre de la Chine, décembre 2006) - © DR
Des JO à tout prix
« Nous devons nous efforcer de créer une société harmonieuse et d’instaurer un bon climat social pour que l’organisation du XVIIe Congrès du Parti communiste et des Jeux olympiques de Pékin soit un succès […] Nous devons frapper fort contre les forces hostiles qui mènent des activités déstabilisantes à l’intérieur et à l’extérieur de la nation, comme les séparatistes ethniques, les extrémistes religieux, les terroristes violents et les “organisations hérétiques” telles que le Fa Lun Gong. »
Ces paroles sont celles de Zhou Yongkang, ministre de la Sécurité publique. Elles démontrent clairement l'ambition des dirigeants chinois : faire en sorte que tout ce qui pourrait perturber l'événement soit empêché. Sont concernés les journalistes, accusés de diffuser une vision biaisée de la situation en Chine, ainsi que les opposants au régime en place (militants pacifistes, associations comme Amnesty International, Dalaï Lama,...). L'ordre dans la ville doit être total : le recours à la rééducation par le travail, terme politiquement correct désignant la détention sans procès, est devenu la norme, à l'approche des échéances. Et il n'y a pas de temps à perdre : les expulsions se sont multipliées ces derniers temps, de nombreux habitants ont vu leurs logements détruits, pour laisser place aux infrastructures olympiques. Les dédommagements, quand ils existent, ne permettent pas aux familles de se reloger. La Chine est pourtant signataire de traités garantissant un logement convenable à chaque citoyen. Mais le besoin de terrains pour garantir des constructions prêtes le jour J est le plus urgent : les expulsés sont invités à déposer des dossiers aux autorités, mais les démarches dureront plusieurs années, et ils n'ont d'autres solutions que de s'installer dans des logements insalubres, en périphérie de la ville.
La police arrête un manifestant du Fa Lun Gong sur la place Tiananmen sous les yeux de la foule (Pékin, 1er octobre 2000) - © Chien-min Chung/AP/PA Photo
La réalité de la cyber-censure
Le livre ne se contente pas d'aborder l'aspect sportif et ses "dommages collatéraux". L'attention est aussi portée sur le contrôle de l'information sur le web. Alors que tous les regards seront bientôt braquées sur elle, la Chine a pris la décision d'accroître le contrôle sur les media, et de restreindre l'espace de liberté médiatique des citoyens. D'après l'OpenNet Initiative, qui étudie les filtrages mis en place dans le monde, "la Chine possède le réseau le plus sophistiqué et le plus étendu au monde" (voir le site de l'OpenNet, en anglais : lien sur OpenNet : http://opennet.net/research/profiles/china). Ainsi on estime que plusieurs milliers de sites ne sont jamais visibles du territoire chinois. Mais Amesty International ne pointe pas que le commanditaire de cette censure : elle pointe aussi du doigt tous ceux qui aident à contenir et filtrer l'information. Ainsi, l'entreprise Cisco n'est pas épargnée, puisque c'est elle a mis en place le Bouclier d'Or, gigantesque réseau qui relie les bureaux de surveillance entre eux. Les oppresseurs savent que la moindre faille dans leur système de contrôle pourrait ouvrir la boîte de Pandore : ils ne lésinent donc pas sur les moyens. L'investissement est estimé à des centaines de millions d'euros pour assurer le bon fonctionnement du réseau, et environ 30 000 policiers sont affectés à la surveillance des échanges, point de départ des arrestations des cyber-dissidents. Certains Chinois arrivent pourtant à passer à travers les mailles du filet, en faisant héberger leurs blogs en dehors des frontières technologiques de la Chine, chez des correspondants étrangers (programme "Adoptez un blog").
D'autres multinationales sont aussi désignées comme complice de la répression, de par leur comportement ou l'absence de réaction face à des actes de privation de liberté. C'est notamment le cas de Microsoft, Yahoo! et Google, trois firmes internationales qui ont modifié leur code de conduite pour investir le marché chinois, parfois à l'encontre des principes fondamentaux de liberté. On se souvient de Yahoo!, qui avait fourni à la police chinoise des informations confidentielles ayant entraîné l'arrestation d'internautes. Google, pour concurrencer le moteur de recherche Baidu (leader incontesté dans le pays) a accepté de mettre en ligne une version censurée de son outil. Enfin, Microsoft a censuré des blogs qu'il hébergeait (et qui faisaient apparaître des mots tels que "liberté") pour satisfaire les exigences du gouvernement. Les trois multinationales ont chacune adopté un programme de défense : les utilisateurs ne sont pas demandeurs de ces libertés, donc elles acceptent les demandes de censure. Cependant elles font face à des accusations de plus en plus virulentes, et montrent quelques signes, toutefois insuffisants, de changement pour sauvegarder leur image de société à l'écoute de ses utilisateurs.
A ce sujet, lire aussi l'article la censure sur internet (lien = www.clan-takeda.com/article.php?id=636)
La police fait une descente dans un cybercafé illégal de la ville de Guangzhou (sud de la Chine, 20 juin 2002) - © DR
Le Comité international olympique complice de la censure
Les récents événements au Tibet ont fini de jeter l'opprobre sur le gouvernement chinois, à la crédibilité déjà mal en point sur la scène internationale. Les paroles sont pourtant en contradiction avec les déclarations publiques, et le Parti communiste montre plutôt sa volonté de poursuivre ses actions dans la même direction. Certaines critiques mettent en avant la nécessité de boycotter ces Jeux Olympiques pour faire évoluer l'état actuel, et accusent le C.I.O. de complicité passive du désastre humain, social et environnemental. L'actualité leur donne raison, puisque début juillet, le C.I.O. a dévoilé son nouveau règlement. Parmi les usages à respecter, il est interdit aux athlètes d'ouvrir un blog ou un site personnel spécial JO, et s'ils en possèdent déjà un, ils ne doivent pas "formuler leurs opinions et remarques personnelles". A ceux qui oseront franchir le pas de la critique, voire du simple avis personnel, on promet l'exclusion définitive des épreuves. On peut également rapprocher cette fermeté du C.I.O. avec sa décision d'interdire le badge de la délégation française, sur lequel était inscrit leur slogan "Pour un monde meilleur", ce qui, durant la période des émeutes tibétaines, n'a pas plu aux dirigeants chinois.
Plus de détails sur Rue89.com (lien = www.rue89.com/2008/07/10/un-seul-droit-pour-les-athletes-aux-jo-de-pekin-fermez-la)
Le livre, préfacé par Pierre Haski, fait le tour des accusations dont la Chine fait l'objet. A lire et relire pour comprendre les enjeux et la situation politique, sociale et humanitaire en Chine.
Jarodd
Titre complet : Droits humains en Chine – Le revers de la médaille
Editeur : Autrement frontières
Auteur : Amesty Internationale
Préface de Pierre Haski
Avec la participation de Jean-Philippe Béja
Paru en février 2008
Prix : 10€
Crédit images :
- Couverture et spé : Autrement Editions
- Autres images : Amesty International, http://www.amnesty.org/fr/china-olympics