COVID-19 : Alors, qui est le patient type ?

Publié le 18 mai 2020 par Santelog @santelog

Précisément quels sont les facteurs sociodémographiques et de santé associés à un test positif pour COVID-19 ? Cette équipe de l’Université d’Oxford a analysé les dernières données de patients infectés à SARS-CoV-2 et nous livre dans le Lancet le profil du « patient type » diagnostiqué en soins primaires. Cette analyse révèle de nouvelles caractéristiques qui vont permettre aux médecins généralistes notamment de mieux détecter, en cas de symptômes, les patients à faire tester.

 

Les précédentes études épidémiologiques visant à préciser les personnes les plus à risque de test positif à COVID-19, se sont plutôt concentrées sur les cas hospitaliers ; alors qu’en Angleterre, un grand nombre de tests est aujourd’hui effectué en ville, cette nouvelle étude identifie les facteurs de risque de tests positifs pour COVID-19 à partir des données des dossiers de santé électronique provenant des cabinets de médecins généralistes, de 3.802 personnes testées pour le SRAS-CoV-2 (dont 587 tests positifs), entre le 28 janvier et le 4 avril. On retiendra particulièrement de cette étude épidémiologique, les facteurs suivants, fortement associés à un test positif pour COVID-19 en soins primaires : la privation, la résidence en zone densément peuplée, certaines origines ethniques minoritaires et, et c’est probablement une des principales révélations de l’analyse, la maladie rénale chronique.  

Précisément, les caractéristiques « de ville », c’est-à-dire de patients diagnostiqués positifs mais pas obligatoirement hospitalisés,

comprennent :

  • L'âge avancé : les personnes âgées de 40 à 64 ans sont les plus à risque de présenter un test positif (18,5% soit 243 sur 1316 participants) vs pour les enfants jusqu'à 17 ans (4,6%) ;
  • le sexe masculin : parmi 1612 hommes, 18,4% se sont révélés positifs vs 13,3% des femmes ;
  • la privation- ou de très faibles revenus : chez les personnes vivant dans les zones les plus défavorisées, 29,5% se sont révélées positives vs 7,7% dans les zones les moins défavorisées.
  • la résidence en zone densément peuplée : les habitants des zones urbaines (26,2% ) s’avèrent plus à risque que ceux des zones rurales (5,6%) ;
  • l'origine ethnique : par rapport aux personnes d'origine ethnique blanche, dont 15,5% ont été testées positives, la proportion de personnes d'origine noire testées positives s’avère beaucoup plus élevée (62,1%) ;
  • l'obésité- déjà bien documentée comme une comorbidité associée à un risque accru de COVID-19,
  • la maladie rénale chronique : les seules conditions cliniques significativement associées à un test positif sont la maladie rénale chronique (32,8% de personnes testées positives vs 14,4% chez les participants exempts de maladie rénale) et l'obésité (20,9% vs 13,2%).

« Bien que des tendances claires soient ressorties des données hospitalières pour les personnes présentant des symptômes graves, le risque d'infection en population générale restait peu qualifié.  Pourtant, il est essentiel d’identifier, en population générale quels sont les groupes les plus à risque d'infection, pour mieux les surveiller, détecter, comprendre la transmission du SRAS-CoV-2 et prévenir sa propagation », explique l’auteur principal, le Pr Simon de Lusignan de l'Université d'Oxford, directeur du Royal College of GPs (médecins généralistes).

D'autres facteurs socio-économiques, non mesurés dans cette étude, peuvent également être liés à l'infection par le SRAS-CoV-2, rappellent également les auteurs, à partir d’autres données d’études. Il s’agit notamment des emplois à haut risque, d’un niveau d’études réduit, d’un faible revenu et de difficultés d'accès aux soins de santé et aux tests, en particulier chez certaines minorités ethniques.

Quelles différences avec les caractéristiques patients en milieu hospitalier ? Différentes études en milieu hospitalier ont rapporté que le fait d'être plus âgé, de sexe masculin et d'avoir des comorbidités sous-jacentes telles que l'hypertension et le diabète, est associé à des complications plus sévères de COVID-19. Cette nouvelle analyse identifie que certains de ces facteurs sont également associés à des tests positifs pour le SRAS-CoV-2, avec des différences notables cependant :

la plupart des comorbidités n’augmentent pas de manière significative la sensibilité à l'infection

Une nouvelle donnée sur le tabagisme : alors que quelques études ont suggéré que les fumeurs pourraient être à moindre risque d’infection par le SARS-CoV-2 (mais non à moindre risque de complications ou de forme sévère une fois infectés), cette analyse confirme

  • le lien entre le tabagisme et une probabilité moindre de résultat de test positif.

Cependant, les auteurs pensent que cela est dû à des facteurs de confusion, plutôt qu'à un réel effet protecteur du tabac ou de la nicotine, et ils avertissent que le résultat ne devrait pas encourager l’initiation ou la poursuite du tabagisme : «Ce résultat n'indique pas que le tabagisme protège contre l'infection, et il existe de nombreuses explications alternatives possibles :  le tabagisme pourrait réduire la sensibilité du test SARS-CoV-2, ou encore les personnes qui fument pourraient être plus susceptibles d'avoir une toux persistante, donc plus susceptible d'être testées en dépit de l’absence d’infection…En revanche,  il est possible que le tabagisme puisse augmenter la sévérité de la maladie. »

Il s’agit d’une première analyse de ces données de ville, et un second examen plus poussé devrait permettre de déterminer les facteurs -toujours en soins primaires- d’hospitalisation, de décès et de surmortalité, pour mieux comprendre comment COVID-19 peut avoir un impact disproportionné sur différents groupes.

Un expert, non impliqué dans cette analyse, le Dr Rachel Jordan de l'Université de Birmingham, Royaume-Uni relève un point crucial : « Ce qui est fondamentalement clair, c'est que quels que soient les facteurs de risque spécifiques,

la pandémie de COVID-19 exacerbe les inégalités socioéconomiques ;

ces inégalités doivent être explorées et atténuées dans les mois et les années à venir. Des études au niveau de la population, avec des tests en aléatoire et en population générale (quels que soient les symptômes), ainsi que des tests d'anticorps sont nécessaires de toute urgence ».

Source : The Lancet May 15, 2020 DOI :10.1016/S1473-3099(20)30371-61   Risk factors for SARS-CoV-2 among patients in the Oxford Royal College of General Practitioners Research and Surveillance Centre primary care network: a cross-sectional study

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Équipe de rédaction SantélogMai 18, 2020Rédaction Santé log