Le titre de cet article veut tout dire est rien dire à la fois, mais c'est celui qui m'est venu instinctivement en commençant à écrire. Ce n'est pas la première fois que je parle de lâcher prise ici, je crois même que c'est un sujet récurrent sur ce blog ! En tant que grande anxieuse obsédée du contrôle (rien que ça), j'ai eu pas mal de difficultés à lâcher prise sur certains trucs depuis que je suis maman. En fait, j'en ai toujours eu.
J'avais et j'ai encore parfois cette impression que je ne suis pas assez détendue, trop rigide... Je sais que je m'énerve vite (lisez mon article " La maman en colère qui crie tout le temps " où j'en parle plus en détails), que je crie beaucoup trop, que je culpabilise sans doute trop, mais ça fait juste de moi un parent fatigué, normal, humain ? Je me mettais (et me mets encore) une telle pression sur le fait d'être plus à l'écoute des émotions de mes enfants (mais pas des miennes, bizarrement), sur l'envie d'être meilleure que c'était contre productif.
C'est devenu un moment comme un objectif ultime à atteindre, je n'arrêtais pas de me dire qu'il FALLAIT que je lâche prise pour ENFIN être heureuse. Le contrôle du lâcher prise, vous voyez l'idée (et le paradoxe) ?
Je m'étais persuadée d'une part que j'étais trop dans le contrôle et que je n'arrivais pas à profiter du moment présent (ce qui est vrai, mais pas tout le temps, comme beaucoup de personnes), et de l'autre que j'étais à fond dans le lâcher prise, que je faisais tellement d'efforts que ça finirait par me changer complètement. Au final je pense que c'était juste une évolution, le fait de grandir surement, de revoir mes priorités. Faire des efforts sur le lâcher prise, ce serait comme penser qu'on arrive pas à faire d'enfants quand on y pense trop...
Avec cette troisième grossesse, le diabète gestationnel, l'angoisse du virus et le confinement, l'angoisse et le stress ont pris une dimension encore plus importante dans ma vie. Et c'est bien normal au final. Comment lacher prise sur tous ces aspects que je ne maitrise pas ? Comment lacher prise alors que cette grossesse est clairement surmédicalisée, que je dois contrôler ma glycémie 4 à 6 fois par jour et contrôler chaque quantité, chaque aliment, faire une activité physique quotidienne, quand je voudrais juste écouter mes fringales et me reposer ?
Et puis cette injonction constante de " ne pas se prendre la tête " : je sais que ça part d'un bon sentiment mais dites vous bien que les gens angoissés et qui peinent à lacher du lest ne le font pas exprès... Et qu'ils rêvent de moins réfléchir justement !
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Je ne suis pas " casse bonbon ", " chiante ", " assommante ", " trop centrée sur moi " (ce sont à la fois des citations personnelles mais aussi ce qu'on me dit régulièrement). J'en ai marre de censurer tout ce que je dis de peur de passer pour " la chieuse ", " l'angoissée de base ".
Je suis hypersensible, j'ai besoin de contrôle et il va bien falloir vivre avec. Arrêter de vouloir changer qui je suis. Ce n'est pas baisser les bras, c'est une force selon moi de se dire " voilà, je m'accepte et je vois le positif dans mon caractère au lieu de me rabaisser ".
Alors oui je vis les choses plus fort et je râle. J'exprime ce trop plein d'émotions sinon il me bouffe et ce n'est pas sain. Si ça ne plait pas, tant pis. Oui, je suis toujours en train d'analyser, peser le pour et le contre, over-réfléchir mais c'est comme ça que mon cerveau fonctionne. Si j'arrive à le tourner " à mon avantage " (par exemple professionnellement parlant, ça me sert beaucoup de réfléchir/comparer/changer d'avis/m'organiser), où est le mal ?
Certes, l'angoisse et sa mauvaise gestion sont néfastes : c'est pourquoi il faut prendre le temps de s'écouter (un peu d'égoïsme, arrêtons de dire aux gens qu'ils s'écoutent trop alors que si les problèmes reviennent c'est qu'ils DOIVENT être écoutés pour pouvoir agir !), se tromper, revenir en arrière et accepter qui on est. Arrêter de se flageller.
L'être humain réfléchit en permanence. Se remet en question constamment. Angoisse, a peur, à différents degrés. Ce serait mentir de me considérer comme " à part " alors qu'on est beaucoup de gens sensibles et anxieux qui peinent à s'accepter. Et ce serait mentir de les réduire à ça alors qu'ils vivent comme tout le monde des moments de joie, de satisfaction, de bonheur intense.
Je reviens à mon parallèle envie de bébé / lacher prise : combien de parents (de mamans surtout, parce que tout repose sur elle et leur stress c'est bien connu) ont entendu le fameux " c'est parce que tu y penses trop " quand bébé ne vient pas ? J'ai moi même eu des réflexions comme quoi mes fausses couches à répétition venaient de mes angoisses (culpabilité bonjour) et que si j'étais " différente " ça irait mieux.
Premier point : c'est assez violent de dire à quelqu'un qu'il faut changer et que tout est sa faute quand la personne va déjà mal.
Deuxième point : changer sa nature du tout au tout n'a jamais rendu personne plus heureux, à supposer que ce soit facile.
Je finirais sur ça : et si le vrai lacher prise c'était accepter d'être qui on est ? Bien sûr, de faire des efforts et des améliorations pour soi même et les autres également mais tout part selon moi du fait de se dire " je suis comme ça, c'est moi, et je suis fatigué-e de vouloir changer ". Quand cela fait des années qu'on cherche à devenir différent, " corriger " sa nature profonde, persuadé qu'on " se plaint trop " qu'on " se prend trop le chou " et donc qu'on est " mauvais " quelque part, ça ne peut pas fonctionner.
On a tous une personne avec qui on va vivre toute notre vie et si on essaie de la changer en permanence ça devient un combat épuisant. Le lacher prise peut prendre tout un tas de formes et si vous ne l'atteignez pas complètement : ce n'est pas grave ! Ça ne veut pas dire que vous aurez moins vécu, juste que vous serez resté plus fidèle à qui vous êtes vraiment.
On a tous des jours avec et des jours sans, on a le droit d'être triste, d'avoir besoin de consulter, ce n'est pas une honte.
Dans mon cas j'ai juste hâte que cette période anxiogène prenne fin, mais aussi d'une oreille compatissante qui ne jugera pas. Alors je fais le tri. Après tout, personne ne peut savoir mieux que moi ce que je ressens et qui je suis...