Notre histoire sociale, même récente, est un terreau de mémoire. Personne n’oubliera. S’il s’avère difficile de prévoir sur quoi débouchera la crise sanitaire, il suffit d’observer pour comprendre, en revanche, que la crise sociale en cours – inédite par son ampleur et le choc qu’elle va provoquer à long terme – porte en germe une nouvelle explosion sociale
« J’étais convaincu qu’on était en train de changer les choses. C’est très cruel pour moi-même. » Les mots d’Emmanuel Macron, prononcés devant des personnels hospitaliers de la Pitié-Salpêtrière, feront sans doute date. Mais à une condition : que l’introspection ainsi avouée sous la pression soit suivie d’effets et de faits.
Pourtant, comment y croire vraiment, alors que tous les dogmes fondamentaux de la Macronie viennent de s’effondrer et que le président en personne ne peut que constater le saccage du tissu industriel, des services publics, et le démantèlement de l’État stratège ? Comment dès lors imaginer un vrai « Ségur de la santé », annoncé d’ici à l’été, et un plan pour l’hôpital public à la hauteur des enjeux ? Comment ne pas comprendre que la « relance » concoctée par le pouvoir, payée par les citoyens, ne se transformera pas en rouleau compresseur attentatoire aux droits des travailleurs, au nom du rattrapage de l’économie française ? Bref, comment ne pas instruire le légitime procès en insincérité de la parole présidentielle, procès étayé par le passif du passé, sans parler des contradictions béantes ouvertes par la crise sanitaire ?
Notre histoire sociale, même récente, est un terreau de mémoire. Personne n’oubliera. S’il s’avère difficile de prévoir sur quoi débouchera la crise sanitaire, il suffit d’observer pour comprendre, en revanche, que la crise sociale en cours – inédite par son ampleur et le choc qu’elle va provoquer à long terme – porte en germe une nouvelle explosion sociale, comme l’expression potentielle de défenses immunitaires. L’inquiétude sourd dans le monde du travail. Et depuis les gilets jaunes et les grandes grèves de l’hiver les colères se sont décuplées. Mille signes en témoignent, partout dans le pays : la fracturation systémique de la société s’étend encore, et de nouvelles failles béantes se sont greffées sur celles déjà existantes…
Cette perspective tétanise le gouvernement. Et pour cause. Tandis que 90 % de nos concitoyens soutiennent l’exigence de revalorisations salariales à grande échelle, les invisibles d’hier refusent de devenir les oubliés de demain. Ils réclament autre chose que les promesses de symbole de justice sociale, mais bel et bien un nouveau modèle de développement qui matérialiserait un changement réel.