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Henri Nkoumo : Poèmes sauvages éclairés au feu de brousse

Par Gangoueus @lareus
Henri Nkoumo : Poèmes sauvages éclairés au feu de brousse
Le texte poétique d’Henri N’Koumo a fait partie de mes lectures durant le printemps confiné des poètes. Etrange année 2020. Etrange période ce confinement où il m'a semblé complexe de lire de la prose. La poésie semble m’offrir beaucoup plus de possibilités en ce moment, de perspectives d’évasion sans m’enfermer dans le huis clos d’un genre comme le roman…
Mais voyez-vous, la surprise, l’inattendu ne laissant même pas de place à la sidération, ont forcément frappé ces vacanciers qui passaient du bon temps à Grand Bassam. Le 13 Mars 2016, des éléments d’un groupe djihadiste se revendiquant d’Al Qaïda au Maghreb Islamique accoste et massacre touristes, expatriés et autochtones. 16 morts. Parmi les personnes assassinées, il y a Henrike Gröhs, directrice de l’Institut Goëthe d’Abidjan. Les poèmes sauvages éclairés au feu de brousse sont écrits par Henri Nkoumo. Il faut préciser que ce dernier est directeur du livre et des arts plastiques depuis des années en Côte d’Ivoire. On sent dans son texte qu’il s’adresse à l’animatrice culturelle allemande qu’il a connue. On imagine aisément les collaborations rendues possibles par cette dernière dans un monde où les industries culturelles africaines sont très peu soutenues par les gouvernements locaux.
Mais revenons à la poésie. Cette violence sourde qui s’abat injustement et prend des vies déroute le poète. Même s’il essaie de poser ses mots. Parfois maladroitement.
«  et toute oreille peut entendre
la fureur incestueuse des sourates déviées
dans les bûches allumées par des voix
viriles
et mon jour foudroyé à la kalach
dans un lointain chant de tristesse
puis s’étrangle sur la plage hurlante
de Grand Bassam
au ras des flots » 
p.60 Henri Nkoumo, Poèmes sauvages éclairés au feu de brousse (ed. Les classiques ivoiriens)
Henri Nkoumo décrit sa sidération à partir d’Abidjan. Il pleure Henrike. Il pense cet assaut sauvage. Il connecte cette agression à des camps de formation, à des théâtres tristes de sinistres attentats à Maiduguri, Bamako, Ouagadougou, Barcelone, Nice. Ce terrorisme qui frappe de manière aveugle, partout : 
«  et mon poème
se rompt comme la fragilité du pain
dans le cratère des feux aveugles
se désagrège comme un râle
dans la tristesse des tunnels
à longueur de peur
se désagrège comme la gorge du père Hamel noyée par
un couteau de sang sur l’autel blanc de l’église de Saint-Etienne
-du-Rouvray par un temps de messe lisse et
d’hirondelles en pleurs » 
p.53 Henri Nkoumo, Poèmes sauvages éclairés au feu de brousse (ed. Les classiques ivoiriens)

Tout est connecté. Les processus d’endoctrinement qui touchent les siens. Ici, il y a quelque chose d’assez fort. L’illuminé est un frère même si la référence à Maïduguri, au Nigéria est bien loin de ses bases ivoiriennes
« je me noie dans mon sang de faim sur les routes bruyantes des océans et je meurs au baiser des haines coloriées qu’ils accrochent aux mots à feux ouverts d’Oussama
et je revois les miens
les visages vêtus de prières à Maïduguri
et les miens sont faits
d’étonnements
et mes frères n’ont même pas su qu’ils étaient sur les
chemins de fin » 
p.47 Henri Nkoumo, Poèmes sauvages éclairés au feu de brousse (ed. Les classiques ivoiriens)
Si je suis sensible à la démarche d’Henri Nkoumo, si je pense que la poésie était le bon moyen pour qu’il exprime ce moment douloureux. J’aime la manière avec laquelle il met en relation les violences liées au terrorisme islamiste. Mais sur la forme, sur des vers en particulier, je ne suis pas sûr de la justesse de certaines images. Mais le mieux serait que vous vous fassiez votre propre idée. 
Henri Nkoumo, Poèmes sauvages éclairés au feu de brousseEditions Les classiques ivoiriens, 92 pages, 2019

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