Depuis le début de la pandémie de coronavirus, le livre d’Albert Camus, "La Peste", est souvent évoqué. En réalité, l’analogie entre la maladie qui a décimé des millions de personnes au cours de l’histoire et la pandémie actuelle est fort hasardeuse. Toutefois, si on est en quête de lectures dans "l’air du temps", c’est le moment de lire le grand classique de la littérature italienne, Les Fiancés d’Alessandro Manzoni. Publié entre 1821 et 1842, plusieurs fois remanié, ce roman décrit notamment l’épidémie de peste qui a ravagé Milan et la Lombardie de 1629 à 1631.
Un jeune homme, Renzo Tramaglino, et une jeune fille, Lucia Mondella, de condition très modeste, veulent se marier. Mais le curé de leur village est menacé par un seigneur local (d’origine espagnole) qui veut s’approprier la jeune fille et le mariage ne peut être célébré. Lucia s’enfuit pour échapper à son persécuteur et Renzo se rend à Milan pour en appeler aux autorités. À partir de là, les aventures vont s’enchaîner jusqu’à un dénouement que, bien entendu, nous ne révélerons pas.
Roman historique, le livre de Manzoni se déploie dans le contexte de la guerre de Trente ans, terrible conflit qui a ravagé l’Europe de 1618 à 1648. Mais Manzoni, Italien écrivant au 19e siècle, a aussi en tête la situation de son pays au moment où le mouvement du Risorgimento prend de l’ampleur. Patriote italien, Manzoni soutient le Risorgimento, processus d’unification politique et sociale de l’Italie. En décrivant le 17e siècle comme une période d’oppression et de calamités dans une Italie morcelée et soumise à la domination de puissances étrangères (Espagne, France, Saint Empire germanique), l’auteur défend par contraste la perspective historique d’un peuple italien unifié dans un projet de société libérale et progressiste.
Le roman -à la fois récit d’aventures, narration historique et description de la hiérarchie sociale du 17e siècle – est écrit dans un style alerte qui plonge le lecteur dans une atmosphère, une époque, tout en traitant des aspects fondamentaux de la condition humaine (l’amour, la foi religieuse, les conflits sociaux). Véritable morceau de bravoure de l’ouvrage, la description de l’épidémie de peste à Milan fait froid dans le dos. Affolement des autorités, écroulement du civisme et des normes morales, mouvements de panique irrépressible; l’épisode montre clairement l’incroyable fragilité des constructions humaines que l’on nomme civilisations.
De quoi, somme toute, nous rassurer dans cette période difficile que nous vivons car, n’en déplaise aux prophètes d’apocalypse, nos structures sociales, politiques et scientifiques sont indéniablement beaucoup plus solides aujourd’hui.
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