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Vendanges, de Charles-Ferdinand Ramuz

Publié le 15 mai 2020 par Francisrichard @francisrichard
Vendanges, de Charles-Ferdinand Ramuz

Le pays venait nous appeler jusque parmi nos livres, avec sa vie à lui, et aux vendanges de Virgile nous invitait à comparer les siennes. Trois ou quatre ans de suite et de dix à quatorze ans, je suis ainsi parti, docile à son appel...

Les Vendanges, que Charles-Ferdinand Ramuz raconte, ont lieu au cours des vacances d'automne, pendant vingt-cinq jours du mois d'octobre, dans un vignoble de la commune d'Yvorne, avant que le XIXe ne cède le temps au XXe et juste après:

Ce n'était pas du vin fait seulement avec la pulpe du raisin, mais avec la gousse, c'est-à-dire que c'était du vin "complet" et donc du vrai vin.

A deux pas du village se trouve la mystérieuse plaine du Rhône. Lui et toute une bande de gamins s'y rendent en cachette, comme attirés par un fruit défendu, dès qu'ils peuvent s'échapper, si bien que ce souvenir est associé à celui des vendanges.

Ce sont surtout les odeurs de poison qui les émeuvent. Ils se passionnent pour les fruits dangereux comme la belladone et autres baies des haies, parmi les champignons pour les champignons vénéneux, parmi les insectes pour ceux qui piquent...

Au-dessus de la plaine, sur les bords mêmes du ciel, une grande merveille l'illumine quand il y pense. Ce sont transfigurées, comme sept grandes femmes agenouillées, qui seraient vêtues de blanc, les sept Dents du Midi dans leurs neiges et leurs glaciers

Les journées dans la vigne ne sont pas de tout repos. Aussi le matin, levés tôt, leur sommeil met-il du temps à céder... L'après-midi, quand ils ne s'échappent pas vers la plaine du Rhône, ils se rendent au pressoir, toujours attirés par le fruit défendu:

Ici déjà commençaient les régions de la fermentation, c'est-à-dire du vin, c'est-à-dire de la boisson qui convient aux hommes faits, c'est-à-dire qui nous convenait, à nous.

Au Collège, ils avaient deux heures d'histoire sainte par semaine. Ils savaient que Noé était vigneron, qu'un jour il s'enivra et se découvrit au milieu de sa tente. Il n'est donc pas étonnant que, tout frais dans la vie, d'instinct, Ramuz soit allé à l'essentiel:

J'ai connu tout petit garçon qu'il n'y avait pas de temps, que le temps était une maladie et qu'on ne guérissait que quand on s'était défait de lui. Tout se ressemblait, il n'y avait plus qu'une seule espèce d'hommes.

Francis Richard

PS

Cette réédition est préfacée par Ivan Salamanca qui invite le lecteur à lire le livre clandestinement, avec cette intuition que ce grand texte saura nous rendre notre âme d'enfant.

Vendanges, Charles-Ferdinand Ramuz, 72 pages, L'Aire bleue (à paraître)


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