C’est un travail de plusieurs années, traduire Les métamorphoses d’Ovide. Souvent on n’en a que des extraits, une métamorphose, une autre, neuf, douze… Marie Cosnay en a réalisé la traduction intégrale et publié aux éditions de l’Ogre en 2017. Bien sûr, on peut lire ce livre comme une épopée, ou par morceaux. Mais le travail de la traductrice permet de comprendre les enjeux de cette oeuvre. De la replacer dans le contexte de la création littéraire d’une époque (Lucrèce, Virgile) et, par delà, de notre époque même. En effet, Marie Cosnay n’est pas de ces universitaires enfermés dans leurs recherches sur un temps révolu. Si elle traduit Ovide, c’est parce que cela résonne avec nos préoccupations. Dans ce livre, Ovide montre que tout change toujours, airs, mers, terres, issus d’un chaos originel. Aucune sorte d’identité figée, aucune identité de souche. Marie Cosnay sait que les frontières changent, que les noms même des pays changent (on a pu le lire dans d’autres de ses livres, ici, par exemple, ou là). Et ces changements passent aussi par les corps. Un corps n’est pas infini. On peut le détruire, il peut disparaître. Que devient-il ? Dans l’épisode de Médée, « elle fuit la mort dans un nuage qu’inventent ses poèmes ». Que fait d’autre Ovide ? Il écrit d’ailleurs à la fin de son livre : « S’il y a quelque chose de vrai dans les oracles du poète, je vivrai ».