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Seydou, est un médecin sénégalais qui va faire sa spécialisation en cancérologie en France. Dans le cadre de ses études et à son retour au bercail, il mène des travaux de recherches et des essais cliniques pour un laboratoire, dans ce domaine de la santé. Il est beau, il est brillant, il est irrésistible, il serait parfait...
Au moment où commence ce roman, Saly est une jeune étudiante. Elle est musulmane, pieuse et malgré » sa jeunesse, elle a beaucoup de caractère.
Ces deux personnages appartiennent à la classe moyenne sénégalaise. Seydou est un séducteur séduit par l’attitude de Saly. La conquête de la jeune fille voilée semble être un objectif en soi pour cet homme parfait. Bien que ce dernier soit plus âgé que Saly et que celle-ci soit totalement sous l’emprise de son charisme, elle lui fait face et elle lui oppose les valeurs musulmanes. La personnalité de Saly marque donc la première partie du roman et lui donnant un côté moraliste très pesant. Je le dis de manière frontale : cette phase du roman est vraiment ennuyeuse. Je parle des 100 premières pages. J’ai déjà remarqué ces procédés de narration quand un auteur tente d’imposer au lecteur les valeurs morales voire moralisantes de son personnage. D’une certaine manière, Soda Ndoye nous renvoie à tous les clichés attachés d’une femme arborant les apparences de la piété tant dans le discours que dans l’apparat. Et elle nous éloigne de la vérité du personnage. Dans un premier temps.
Les deux tourtereaux se marient. Une alliance qui unit deux familles. Tout cela est bien lisse et, en même temps, plein de sens. Soda Ndoye nous rappelle qu’en l’absence de son mari, Saly n’est pas seule. Elle donne naissance à un enfant et elle est soutenue par sa belle-famille. Seydou est absent et lorsqu’il revient, il découvre son petit garçon qui a un peu plus d’un an. Alors que leur relation semble avoir survécu au dicton Loin des yeux, loin du coeur, une femme fantastique, troublante débarque à Dakar, dans le salon de Saly pour déstabiliser l'équilibre précaire de ce jeune couple. Elle annonce une relation adultérine avec conséquences et sa volonté de mettre le grappin sur l'homme parfait : « J’aime ça ! L’animosité, la guerre, le défi ! lança-t-elle en ricanant » propos d'Aïcha Traoré, la courtisane.
Les ressources que Saly va puiser en elle pour faire face à cette adversité brutale et inattendue va révéler un autre aspect de sa personnalité et donner un autre rythme au roman
Sur le plan littéraire, on est dans de la romance. Sans y voir quelque chose de péjoratif de ma part. Je m'intéresse de plus en plus à ce genre. Soda Ndoye nous donne un point de vue extérieur relativement attendu. Une écriture linéaire. C’est plutôt plat. Par contre le lecteur est plutôt embarqué par le fight annoncé entre Saly et Aïcha. Avec au milieu de ces deux femmes, un homme tenaillé qui s’est fait dompter par la belle métisse, la ndoumba comme on dit au Congo. Aïcha vient bousculer ce roman, comme elle bouscule la vie de ce couple. Ici, si nous évoluons dans un mariage monogamique, les réflexes de défense de Saly ressemble à ceux d'une structure polygamique. Saly voit tout de suite en Aïcha, une rivale. Pour ne pas dire une co-épouse. Comment ne pas penser au roman de Djaïli Amal Amadou, Munyal les larmes de patience et le travail de reconquête de Safira? Et la bataille va révéler Saly. De manière assez amusante, on réalise que la spiritualité n’est même pas un élément secondaire. Les croyances de Saly sont absentes, parce que ce ne semble pas par ces dernières qu'elle compte combattre l'intruse. La foi de Saly n’est présente que dans l’apparat et une représentation de la femme sénégalaise dans son pays. Bref, si sur le plan littéraire, il y a peu à dire. je prendrai comme autre exemple, la psychologie du personnage d'Aïcha méritait une analyse plus profonde. Mais, je voyage aussi dans les livres pour avoir accès à des personnages qui ne semblent pas abordables du fait de certaines conventions sociales. Saly. Elle est aussi passionnante, au final, qu'Aïcha. Quant à l'homme parfait, il est en fait assez commun.
Soda Ndoye, Un homme infidèle et parfaitEditions L'Harmattan Sénégal, 2012, 184 pages