Comme un lundi, après la pluie, après les jours du Dedans
Face à la mer, dans son imper beige, elle laisse son regard traîner sur la crête du Frioul. Elle se rappelle la dernière fois qu'elle a pris le bateau, la balade pour arriver à l'hôpital Caroline, et ses histoires de quarantaine et de peste, puis ses yeux remontent vers le ciel et elle y devine la pluie qui rend tout si différent aujourd'hui… La mer a la couleur du plomb fondu… Le petit phare brille comme s'il était déjà allumé. Si elle les ferme un instant, elle se voit marcher encore, sans contrainte, longtemps, marcher, marcher encore. Et puis s'asseoir sur ce banc, sans peur. Aurait-elle un jour imaginer que s'asseoir sur un banc serait interdit ?
Les garçons, eux, ont préféré faire une pétanque, face à la mer, loin des rumeurs d'une ville qui se réveille, cette pétanque est la meilleure partie de leur vie… S'agenouiller, calculer la distance, préparer son tir et lancer la boule. Qu'importe les points, aujourd'hui on joue pour de rire, pour faire comme avant, dehors, au grand air, au grand air de la mer qui les fait se sentir vivant, vivant, comme si le temps, cette lumière rare sur la mer pouvaient gommer deux mois de dedans…