« La citation est, en somme, un mauvais moyen littéraire. C'est ne montrer, au lieu de sa propre face, qu'un masque qui la représente à peu près » (Henri de Régnier, Le bonheur des autres ne suffit pas)
1.1er février 2020.- Belles éclaircies, douceur (14°C). Le short de Samuel Beckett certes, mais quid du slip de bain de Raymond Guérin ? Dans le premier numéro de la revue Capharnaüm, que je me suis procuré contre un modeste pécule, c'est Guérin lui-même qui évoque ce très léger bout de tissu : «… j'arrive à me vêtir de plus en plus simplement. J'ai renoncé tout à tour aux accessoires et aux parures encombrantes. Et même sur la plage, je ne porte plus que d'étroits slips de coton, que je noue sur la hanche gauche. J'en ai des jaunes, des noirs, des violets, des rouges, des bleus, des verts. Quand je les enlève il ne reste plus sur mon corps qu'un triangle plus clair. Et encore la fente du tissu, sur la hanche gauche est elle aussi dorée. » Pour le reste, le menu du premier numéro de cette revue éditée depuis déjà dix ans par les éditions Finitude est impeccable : deux souvenirs d'Eugène Dabit, quatre chroniques envacancées de Marc Bernard, une lettre de Jean Pierre Martinet à Michel Ohl, un texte inédit de Stevenson consacré au charme des lieux sans charme, une nouvelle fort drôle de Georges Arnaud.Ailleurs. Comme tout est dans tout et en tous les cas tout est presque un peu dans le Journal de Galey, il n'y est pas question du short de Beckett, mais de son pot de chambre. On rigole : « À Parmain, pendant la guerre, Nathalie Sarraute partageait une maison avec Beckett. Celui-ci répugnait à utiliser les lieux d'aisances situés au fond du jardin. Mais chaque jour, à midi et demi, il descendait y vider son pot de chambre, en le portant sur la tête comme une précieuse amphore ».2 février 2020.- Temps nuageux (10°C). Ce matin je n'ai pas mis plus de quarante minutes pour lire La Chute de la Maison Edax, un modeste fourbi dépelotonné par l'impeccable Cyril Connolly qui démontre que la Bibliophilie peut parfois virer au tragi-comique… Vols, mensonges, fausses déclarations d'amour tout est bon pour parvenir à acquérir un incunable de plus. C'est très drôle, très mal pensant, très anglais et je dois dire que Connolly a le potentiel pour ne jamais décevoir son lecteur.3 février 2020.- Douceur indécente (19°C). Sciatique, cervicalgie, loin du mieux.4 février 2020.- Vent violent, ciel ultra changeant et chute considérable des températures. Aujourd’hui les dieux les dieux météorologiques valsaient dans l' acrimonieux (7°C). Lever 3H30, labeur, sieste, un épisode d'Ally McBeal (génie de David E. Kelley). Entamé Vie de Gérard Fulmard nouvelle spécialité fromagère un brin lactescente du faux Savoyard Echenoz (il est né à Orange). On n'en dit pas que du bien dans le Landerneau. Lu un chapitre que j'ai un peu aimé (il m'a arraché un demi-sourire). Nouvelles acquisitions (main chaude, bonne pioche) : Frankie le sultan des pâmoisons une bricole d'Alain Gerber consacrée à Sinatra, les Merveilleux nuages de Sagan, les Croquis de Voyage de Joseph Roth, la Correspondance Valery Larbaud/G.Jean-Aubry, le Dictionnaire de littérature à l'usage des snobs de Fabrice Gaignault et pour finir un bel album qui gigogne autour du père Vialatte (dans la collection Dossier H, les Cahiers de l'Herne suisses)… Moins de trente euros pour le tout… des heures, que dis-je, des jours lecture !Autrement Médiapart s'attaque à la cravate tricotée d'Éric Neuhoff. Drôle de « geste » dadaïste.6 février 2020.- Beau temps frais, dans le genre à quoi bon (7°C). Un strip de l'ami Schulz : un beagle mélancolique une comète et un drap sur le museau pour s'en protéger, un chapitre d'Echenoz : un détective manchetto-lactescent des débris astronautiques écrasés sur un hypermarché… Snoopy et Gérard Fulmard ont donc un point commun : L'aérien qui choit. Célébrons la fossette de Kirk Douglas (qui est mort), écoutons Yusef Lateef rejouer le thème de Spartacus, souvenons-nous de Strangers When We Meet, de la lascivité lasse de Kim Novak et de l'élégance de Richard Quine… Rien (ou presque) : Ne pas confondre Jean Pierre George et Jean Pierre Georges, l'un debordien défroqué marié avec une strip-teaseuse, l’autre Cioran soulevé par l'hélium.7 février 2020.- Les froideurs matinales passées, une belle journée douce et ensoleillée (13°C). Il y a des jours où morphèmes, lexèmes et lexies ne nous inspirent pas plus que ça Tenez par exemple aujourd'hui je n'ai pas pu lire plus de trois lignes du nouveau roman de Jean Echenoz sans plonger dans une tiède mare d'ennui. Je ne sais pas qui d'Echenoz ou de moi est le plus coupable dans cette affaire, mais c'est ainsi.8 février 2020.- Temps trop beau pour être honnête (14°C). J'ai aimé Jean Echenoz lorsqu'il trottinait dans la foulée d'Emil Zátopek, lorsqu'il regardait les derniers moments de Maurice Ravel ou lorsqu'il savait faire avec Nikola Tesla et l'électricité, mais là je dois bien dire que son « charme » n'agit plus. Sa Vie de Gérard Fulmard se laisse lire, il y a Mike Brandt et Issei Sagawa, des patronymes inventifs et même des moments franchement poilants – je me suis tenu les côtes deux fois –, mais globalement c'est l'ennui qui prime. Les faux polars loufoques, les vies imaginées, certes, mais peut-être faudrait-il qu'Echenoz sorte un jour de son confort en s'attaquant à autre chose. Tenez lui-même par exemple.9 février 2020.- Le vent se lève, on annonce une tempête (13°C). Fini la bricole d'Echenoz. Comme pointé hier, il y a de rares moments, mais que l’exercice est vain dans son ensemble. Dans les Dossiers H consacrés à Alexandre Vialatte bonne contribution de Charles Dantzig. Vialatte n'est pas un humoriste, il va plus loin, c'est un phénoménologue qui oublie d'être huissier, qui décrit et ne passe pas, un poète qui se devine une famille par « proximité du pli de l'esprit ». Bref Vialatte ce n'est pas de la roupie de sansonnet.10 février 2020.- Du vent (16°C). 18h01, le vent souffle, je m'ennuie solidement. 18H13, je lis une chronique de Bernard Frank je m'ennuie un peu moins et pour tout vous dire je sautille même un peu. 18H16 je lis une chronique d'Alexandre Vialatte tout en étant pris d'un court élan capricant. 18H20, je bois un rooibos « zoulou digest » acquis dans une Biocoop équitable. 18H22, je me demande si nommer un rooibos « zoulou digest » ne serait pas un poil stigmatisant. 18H24, mon rooibos refroidissant je me chuchote à moi-même que l'équité n'est pas tout et que le zoulou mérite un profond respect. 18h25, je me souviens de Johnny Clegg, je suis un peu triste. 18h29, j’écris ces lignes valétudinaires que d'aucuns liront en se grattant la tête. 18h32, Les Walkyries du vent beuglent toujours par les fentes de ma porte, la nuit vient de tomber tel un lourd rideau de théâtre noirâtre.13 février 2020.- Temps nuageux (10°C). Lombalgie, sciatique, problèmes divers et variés, mon corps me lâche à petit feu. Qu'il s'en aille, je ne le regretterai pas ! Pendant ce temps-là Claudel toujours : « Et je marche, je marche, je marche ! Chacun renferme en soi le principe autonome de son déplacement par quoi l’homme se rend vers sa nourriture et son travail. Pour moi, le mouvement égal de mes jambes me sert à mesurer la force de plus subtils appels. L’attrait de toutes choses, je le ressens dans le silence de mon âme.Je comprends l’harmonie du monde ; quand en surprendrai-je la mélodie ? »14 février 2020.- Ciel changeant, un peu,mais pas trop (10°C). Toujours dans une forme paralympique. Picoré au grès du hasard. Une lettre de Bruno Schulz à Witold Gombrowicz où il est un poil question de la sexualité cette chose qui appartient à une étape de l'évolution parallèle à notre intellect : « … j'ai conscience d'avoir pénétré dans ce que tu considères comme ton fief. Je connais ta susceptibilité particulière sur ce point, ton angoisse pathologique (et donc créatrice). C'est la zone névralgique où ta sensibilité atteint son paroxysme, c'est une espèce de talon d'Achille qui te démange et t'agace ; comme si de ce talon voulait surgir un nouvel organe, une main supplémentaire plus préhensile que les autres... ». Plus tard une chronique très polie de Vialatte, la politesse chez Vialatte c'est quelque chose !2.15 février 2020.- Ciel bleu, goût printanier (16°C). Il faisait beau alors j'ai risqué mes pénates dans mon petit extérieur. Ma chaise de jardin m'y attendait depuis belle lurette, toujours là fidèle et penaude, tout juste un peu sale et dédorée par les rigueurs hivernales. Après l'avoir un peu essuyée je me suis assis dessus, j'ai étendu les jambes que j'ai fort longues et me suis laissé embarquer par une légère somnolence face à un soleil qui m'a assez vite et délicieusement piqué le front. Un peu réveillé par cette tiédeur bienvenue j'ai ensuite entrepris la lecture d'une agréable petite plaquette littéraire du très curieux Patrick Mauriès (Sur les papillonneries humaines, la chose courte et agréable dont il devrait être ici vraiment question). Mauriès a pris la bonne habitude de ne pas décevoir son lecteur et je dois dire que là encore il ne déçoit pas. Il nous laisse rencontrer un certain Charles-Germain de Saint-Aubin, aquafortiste, dessinateur du roi en broderies et dentelles, peintre de fêtes, de porcelaines et d’éventails. Un artiste maître de l’ apparemment inutile, capable de consacrer toute son énergie à l’élaboration d'un luxe ruineux, ce superflu qui défini l'existence comme dépense. Charles-Germain de Saint-Aubin gravera, parmi tant d'autres choses, une série de papillonneries humaines qui annonce le surréalisme, mais un surréalisme badin, léger, aérien, un surréalisme poids plume. Le bouquin de Mauriès est un peu comme ça lui aussi : léger, poids plume… Échafaudé avec un goût certain à partir de morceaux chapardés chez les frères Goncourt ou dans les rares écrits de Saint-Aubin lui-même. J'ai lu et regardé tout ça - les papillonneries sont reproduites en appendice - très vite, en moins d'une heure, juste le temps pour qu'un soleil de février descende un peu trop bas et cesse de me chauffer les arpions. Rentré dans mes intérieurs je suis retourné chez Vialatte, ce demi-aveugle porté par toutes les sensations pour qui l'Auvergne était une autre Allemagne, mais c'est une autre histoire.16 février 2020.- Petite tempête ne payant pas de mine (14°C). Le choucas d'Europe centrale est un drôle d'oiseau, un oiseau presque impossible. On lui a rogné les ailes alors pour lui il n'y pas de hauteurs, pas de lointains. Il se contente d'aller en sautillant parmi les hommes. C'est un peu triste, mais c'est ainsi. Tout ça pour vous dire aussi que kavka signifie choucas en tchèque et que le magasin d'Hermann Kafka à Prague avait un choucas, cette sorte de corbeau peu volubile, pour enseigne. Franz le fils d'Hermann, qui finira écrivain, parlait de lui même comme d'un « choucas, un kavka désemparé » . Bref pour un peu on pourrait dire qu'à Prague tout tourne autour du choucas, qui lui ne tourne autour de rien. Ah oui en dehors de ces vagues considérations sur les volatiles mitteleuropéens je tiens à vous signaler que ce matin j'ai commencé la lecture de Kafka ou l'innocence diabolique, un court spicilège où l'ami Vialatte déploie quelques beaux élans syntaxiques au sujet de qui vous savez. Il y a bien des choucas, mais en définitive pas tant que ça, il y aussi des facteurs allemands égarés dans la neige, des arpenteurs qui frappent aux portes d'un grande bâtisse un peu inquiétante et puis il y a aussi de belles considérations que je vous laisse apprécier : « Les songes des grands écrivains, des grands artistes, ne viennent pas. Ils pré-existent. C’est la réalité qui vient d’eux. » ou encore : « Qui se fût jamais avisé, avant les songes de Kafka, que la vie ressemblât à un roman de Kafka ? D’autant plus que c’est faux. Mais c’est la vie qui a tort, depuis qu’il a fait son portrait. Kafka a gagné son pari : incapable de s’adapter, il a désadapté la vie. Il lui a fait croire qu’elle lui ressemblait. »17 février 2020.- Pluie légère (8°C).Réhabiliter le Robbe-Grillet cinéaste, ce mâle hyper voyeur et méga masturbatoire, me semble une priorité absolue qui échappe à beaucoup. Pour le reste en dehors d'une chronique filmique de l'ami Vialatte, oui Vialatte a aussi écrit sur le cinéma, ma journée aura été marquée par le labeur et rien d'autre ou si peu.20 février 2020.- Beau temps suspect, trop doux (15°C). Ne supportant pas un hiver pourtant fort peu rigoureux l'une de mes plantes d'intérieur est morte. En dehors de cette triste nouvelle et pour ce qui est de mes lectures, ces temps-ci j'oscille tel un coucou tragique entre Cioran et Vialatte. Cioran qui éprouve le malheur d'être un impulsif doublé d'un apathique. Vialatte pour qui Kafka aura été tué encore trois fois après sa mort « officielle » en 1924 : tué comme juif, tué comme tchèque, tué comme écrivain, un quadruple cadavre. Voilà pour aujourd'hui.21 février 2020.- Soleil (11°C). Je suis un mollusque, mon canapé est mon rocher. Affalé tel un bulot circonspect sur ce mol agrégat de mousse et tissu je regarde fixement un plafond pour ainsi dire lactescent tout en me disant qu'il n'y a rien de mieux qu'une non-activité large, goulue, pleine et entière. Ce faisant, je ne suis pas très fidèle à moi-même puisqu'un peu plus tôt et déjà affalé sur le même canapé, j'ai pris le temps de lire quelques pages d'Alex Vialatte consacrées au choucas tchèque Kafka. Drôle de choucas hybride Kafka, choucas et bulot tout à la fois il voulait être écrivain depuis sa plus grise enfance. Écrivain et en aucun cas « homme de lettres ». D'ailleurs, il n'écrira jamais pour l'argent, se contentera de quelques travaux bureaucratiques pour mieux être « le greffier fidèle et sobre, le secrétaire de son âme et de son intelligence ».22 février 2020.- Soleil douceur madérienne (15°C). Température idéale, parfaite inclinaison de ma chaise de jardin, cependant conditions lectorales sévèrement altérées par un voisinage ultra bruyant, c'est ainsi et c'est fort dommage.Pour le reste sans Max Brod et son empressement à ne pas respecter les dernières volontés de Kafka, en gros « mets tout au feu ! », il n'y aurait pas eu de Procès, de Château, d'Amérique ! En somme, il n'y aurait eu que l' œuvre un peu maigrelette d'un vague employé de bureau féru d'histoires farfelues grises et un peu fantastiques (la Métamorphose, tout de même), un petit épiphénomène littéraire tout juste intrigant. On n'est jamais aussi bien trahie que par ses amis, c'est ce que rappelle Vialatte dans son Kafka ou L'innocence diabolique et il fait bien de le rappeler. Autrement et toujours chez Vialatte Kafka est un type empêtré de complexe et tout boiteux sur la terre des hommes, mais si on le regarde en plein vol c'est un albatros qui aura inventé un malaise, un genre, un style, de nouveaux frissons… surtout : « il s'est montré grand par l'envergure de son souci ».23 février 2020.- Beau temps quasi indécent (21°C). Profitant des conditions apportées par un indéniable réchauffement climatique aujourd'hui je me suis transporté corps et âme vers les « extérieurs ». Une longue promenade le long d'un presque fleuve (la Saône), un match de rugby au milieu de vingt mille autres quidams, certains très vibrionnant, quelques boissons fermentées bues au débotté. Toutes ces choses faites je suis rentré dans mes modestes appartements et j'ai fini le Vialatte/Kafka qui pour tout vous dire est très bien : « Le style c’est l’homme, et chez Kafka ce n’est pas autre chose. Il n’a pas écrit pour le public, il n’a écrit que pour se faire le greffier, le comptable tatillon d’une âme scrupuleuse, le secrétaire de sa lucidité, le sismographe d’une sensibilité fiévreuse, et son style transparent, serré comme le diamant, est tout baigné des reflets de cette aube dont nous parlions. Écrire, pour lui, c’était prier, dit-il, une opération qui engage l’âme, l’esprit et le cœur, une chose religieuse (imagine-t-on pareille foi, depuis Flaubert !). Aussi arrive-t-il parfois qu’en le lisant on songe à du plain-chant, à on ne sait quel texte sacré traduit d’une langue inconnue. Car, sans y changer quoi que ce soit, il a fait de l’allemand une langue nouvelle. »24 février 2020.- Inquiétante douceur (20°C). Grosse fatigue, incapable de faire trois pas alors tourner quatre pages, écrire deux lignes !3.25 février 2020.- Plus de fraîcheur (10°C). Lever 4H00, labeur, sieste… Dans Libé(ration) bon papier de Lançon (sur Roberto Bolaño). Rien d'autre (ou presque) : Éthéromane féru d'alkyles je flotte à des hauteurs que ne connaîtront jamais les pauvres amateurs d'alcaloïdes divers et variés.26 février 2020.- Ressac hivernal, trois flocons (5°C). Guère d'entrain, je n'y suis pas vraiment, je fluctue dans un vide quai palpable. Néanmoins petit tour chez le jeune Claudel certes un peu chinois mais pour qui rien c'est parfois tout : « La méthode est que le Sage, ayant fait évanouir successivement de son esprit l’idée de la forme, et de l’espace pur, et l’idée même de l’idée, arrive enfin au Néant, et, ensuite, entre dans le Nirvana. Et les gens se sont étonnés de ce mot. Pour moi j’y trouve à l’idée de Néant ajoutée celle de jouissance. Et c’est là le mystère dernier et Satanique, le silence de la créature retranchée dans son refus intégral, la quiétude incestueuse de l’âme assise sur sa différence essentielle. » Voilà pour Claudel… Pour rester dans le vide, l'absent, le non-existant, le zéro pour tout dire le Monsieur Teste de Valéry n'est pas le dernier des croquignolets : « Il s’agit de passer de zéro à zéro. — Et c’est la vie. — De l’inconscient et insensible à l’inconscient et insensible.Le passage impossible à voir, puisqu’il passe du voir au non voir après être passé du non voir au voir. », quant à son Faust n'en parlons pas ! :La panique devant zéro… Le rien fait peur… Ho… Ho… Et il en est qui s’émerveillent, Qui s’éblouissent de milliards en chiffres sur papier.»27 février 2020.- Giboulées vaguement neigeuses (6°C). Mon désir de paresse se heurte sans cesse aux mornes obligations du labeur. Soit l'extase de la vie contre l'horreur de la vie, le paradoxe baudelairien d'un « paresseux nerveux ». Pour rester paresseux avec l'ami Charles, ces lignes : « Je plongeai ma tête amoureuse d’ivresse Dans ce noir océan où l’autre est enfermé ; Et mon esprit subtil que le roulis caresse Saura vous retrouver, ô féconde paresse » Ne m'en demandez pas plus pour aujourd'hui.28 février 2020.- Nuages (13°C). Nous sommes passés des affaires Matzneff et Polanski à un virus qui prolifère. Tout cela un peu spectaculaire. Rien lu.29 février 2020.- Du vent (8°C). Très oublié aujourd'hui Louis Roubaud fut pourtant l'un des plus grands journaliste du premier demi-siècle dernier, l'égal de Joseph Kessel ou d'Albert Londres. Ses écrits et reportages sur l’Indochine, les maisons de correction, les bas-fonds de Paris ou la montée du nazisme seront célébrés par Mac Orlan et Aragon et laisserons comme un goût de « narrative non-fiction » avant l'heure légale. Démons et Déments que j'ai entamé ce matin, entre deux bourrasques d'un vent finalement mauvais, rassemble une somme de reportages consacrés aux hôpitaux psychiatriques de la région parisienne (l’ensemble à tout d'abord été écrit pour Détective l'hebdomadaire des faits divers puis compilé en volume par Gallimard et finalement réédité aujourd'hui chez l’Éveilleur, parfait petit éditeur). je ne vais pas laisser aller ma brouette par quatre chemins, c'est tout bonnement épatant ! Assez Albert Londres chez les cinoques (on sent l'influence du grand naufragé adenais), mais plein de pâte humaine, d'empathie, de respect, de tout ce que vous voulez. Les fous sont plus improbables les uns que les autres, mais même s'ils ont de quoi nous laisser sourire Roubaud ne les trahit jamais. On rencontre Plantier un pauvre bougre torturé par des ventriloques moqueurs, par des voix borborymiques qui lui montent des entrailles, un autre type M.Jean vide de la moindre pensée ne ressent que des impressions absolues, le bonheur ou le malheur, mais le bonheur ou le malheur absolu, le reste du temps il n'a plus rien même pas un destin « son âme n'est qu'une bulle irisée, soufflée par un enfant dans un rayon de lumière, ou crevée du bout des doigts ». Quant à « Maître Globe », c'est un homme de cinquante ans, solide, musclé, qui pourrait paraître tout à fait normal, mais qui se prend pour l'univers tout entier (c'est un problème). Sa jambe gauche est l’Égypte, son mollet droit l'Asie Mineure, son nez l’Himalaya.Hier soir les Césars n'ont pas célébré la mémoire de Jean Claude Brisseau. Oubli volontaire, sombre dégueulasserie.1er mars 2020.- Ciel tempétueux (11°C). Dans le Démons et Déments de Roubaud on soigne les hystériques avec de la cocaïne, du champagne et du cannabis. Ce détonant cocktail pris les voila presque saines d'esprit et d'une lucidité qui ne dure malheureusement pas. Comme nous ne sommes jamais à l’abri du moindre paradoxe, et du côté des hommes, on soigne les syphilitiques au cerveau atteint par le tréponème pâle en leur inoculant, ni plus ni moins, que la malaria. L'effet est magique le parasite tue la bactérie et après un court traitement à la quinine le patient est soudainement guéri et retrouve toutes ses facultés intellectuelles. Sinon le bouquin de Roubaud - qui est formidable, je le répète – est plein d’indéniables cas pathologiques, de jeunes femmes assommées par l'amour, de pères de famille exhibitionnistes, de doux schizos qui tueront tout de même, d'innocents internés pour rien… Il y a aussi des hauts murs, des camisoles et des gamelles de soupe qui traînent dans la fange, Sainte-Anne ou l’infirmerie spéciale du dépôt de la préfecture de police de Paris n'étaient pas des lieux si géniaux que ça au mitan des années 30.2 mars 2020.- Temps tristement de saison (8°C). Picoré dans les Mémoires littéraires de Maurice Nadeau, qui sont très bien. Picoré dans le Dictionnaire amoureux de l'Italie de Dominique Fernandez, qui est très bien lui aussi. Raymond Guérin et le magma inhumain chez l'un, Italo Svevo représentant de commerce en vernis sous-marins chez l'autre. Voilà pour aujourd'hui.3 mars 2020.- Weather mostly cloudy (10°C). Toujours un peu dans les Mémoires littéraires de Maurice Nadeau. Beau portrait d'Armand Robin cet anarchiste absolu que vous devriez connaître. Son intransigeance, son anticapitalisme, sa haine du bourgeois (qu'il soit de droite ou communiste. Aragon le dénoncera au Comité national des écrivains), ses arpents azimutés, ses antennes captant toutes les ondes du Monde, sa poésie pour tout dire et puis sa mort, sordide, dans un commissariat parisien… immense gâchis : « Est-ce dans ce commissariat, ou à l’infirmerie spéciale du Dépôt où on dit l’avoir transféré, que Robin meurt ? On n’en sait rien et jusqu’à ce jour le mystère reste entier. Toujours est-il que la nouvelle de sa disparition n’est connue qu’une huitaine de jours plus tard. Des scellés ont été posés sur la porte de son appartement. Quand ils sont levés, quatre mois plus tard, "j’y suis allé avec Georges Lambrichs, déclare Claude Roland-Manuel. Il y avait une montagne de papiers qui semblait monter jusqu’au ciel. Nous avons eu dix malheureuses minutes pour essayer de sauver quelques manuscrits. Les déménageurs piétinaient tout. Nous sommes repartis avec trois valises. Le reste des inédits de Robin est allé à la décharge publique" ».To be continued.