En ce premier jour du déconfinement, mes lecteurs les plus attentifs auront reconnu dans le titre de ce billet un emprunt à Antonio Gramsci, qui affirmait que "le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres" ! Vous l'aurez compris, les propositions et idées pour un nouveau monde sont légion, mais elles elles ne font pas encore système tant les intérêts personnels d'une minorité demeurent puissants... D'où ce billet pour insister sur ce qu'il est possible de faire, avec entre autres l'appel coup de poing de Vincent Lindon et la tribune de Nicolas Hulot, en espérant que tout cela vous donnera envie de contribuer au déconfinement de notre imaginaire économique !
Les conditions préalables à un nouveau monde
Pour changer de système socio-économique, encore faut-il s'entendre sur les principaux changements à opérer. Sans prétendre à l'exhaustivité, je considère qu'il faudrait prioritairement s'atteler à :
* réduire les inégalités les plus criantes ;
* lutter efficacement contre la pauvreté ;
* faire en sorte que le partage des revenus devienne plus favorable aux salariés et redonner un véritable pouvoir de négociation aux travailleurs (pas toujours salariés du reste...) ;
* redonner du sens au travail et adapter l'activité aux enjeux de l'époque (transition énergétique, écologie, etc.)
* réduire la financiarisation de l'économie, qui n'est que la forme parasitaire de la finance, en ce qu’elle met l’ensemble des activités productives sous la coupe des puissances financières, avec la complicité active ou résignée du politique.
* faire en sorte que les chaînes de valeur soient plus régionales et subséquemment relocaliser la production ;
* remettre à plat la fiscalité pour la rendre plus claire, plus juste et plus efficace.
L'appel de Vincent Lindon
Une fois n'est pas coutume, plutôt que de citer un économiste, j'ai plaisir à évoquer le magnifique texte enregistré lors du confinement par Vincent Lindon. Il souhaitait tout à la fois pousser un coup de gueule contre la manière dont fut traitée la crise sanitaire (manque cruel de moyens, mensonges du gouvernement...) et appeler à faire évoluer les mentalités et le système socio-économique. Je vous laisse juger sur pièces :
La tribune de Nicolas Hulot
Bien que l'on se demande encore ce que Nicolas Hulot était venu faire au gouvernement d'Emmanuel Macron, sa dernière tribune contient quelques éléments intéressants :
Les forces réactives
Qu'on le veuille ou non, pour faire avancer une société démocratique, il faut impérativement en conserver d'abord son âme, pour ensuite s'entendre entre citoyens sur un avenir commun. En effet, prémunissons-nous en premier lieu contre les vendeurs à la sauvette de progrès (technique, social, économique et même humain avec le transhumanisme...), qui au nom d'une idéologie détruisent les fondements mêmes de la vie en commun.
J'avais expliqué dans ce billet que certains s'étaient fait une spécialité de conduire la foule, au sens latin de turba, à substituer à ses beaux idéaux de solidarité le froid idéal calculateur et individualiste. Et je prends le pari que ces enchanteurs-communicateurs sont déjà à l’œuvre pour nous empêcher de penser librement... Car n'oublions jamais, comme l'écrivait déjà Gustave Le Bon en 1895 sans La psychologie des foules, que la foule fonctionne d'une manière peu conforme aux intérêts des individus qui la composent, avec des représentations simplistes voire fausses de la réalité. D'aucuns n'hésiteront alors pas à faire dire aux mots ce qu'ils ont envie qu'ils disent, afin d'orienter la foule dans le sens voulu par une minorité, même si cela doit se faire au détriment de la majorité des individus...
Ainsi, nous explique-t-on déjà pendant la crise que si le déficit public va se creuser, il faudra que les Français fassent des efforts pour combler le trou. Il est même question d'accéder à l'éternelle revendication du Medef en travaillant plus pour gagner moins... Quant à la transition énergétique et écologique, on croit rêver en lisant cette tribune écrite par de grands patrons d'entreprises parmi les plus polluantes, qui appellent de leurs vœux à une relance verte (Greenwashing, quand tu nous tiens...) ! Quant aux inégalités, la situation actuelle en révèle les aspects les plus invisibles ou les moins médiatisés jusqu'à présent, ce qui pourrait conduire à une crise d'autant que le gouvernement semble en faire très peu cas.
En définitive, lorsque l'imaginaire des dirigeants économiques et politiques - trop souvent interchangeables - est encore autant colonisé par l'idéologie néolibérale et le totem du grand marché mondial autorégulateur, on ne peut que craindre le pire. Et si au fond, c'était la question politique qui avait été la grande oubliée de la crise ?
P.S : l'image de ce billet provient de cet article du Monde.