A Toulouse, Montpellier ou Marseille, la police débarque chez les gens afin de retirer des banderoles, apparues avec le confinement et l’interdiction de manifester, exprimant une opposition au chef de l’Etat. « Macronavirus, à quand la fin ? » a donné lieu à une garde à vue pour une Toulousaine, en violation du droit.
En janvier, le journal satyrique Charlie Hebdo titrait : «Macronavirus » avec une foule de « rien » exprimant avec amertume : « 3ans qu’il nous crache à la gueule». Cette caricature n’a valu aucune intervention policière.
Or, à l’heure du confinement, cela n’a pas fait sourire des policiers nationaux toulousains. Dans le quartier de La Roseraie, Raphaëlle (le prénom a été modifié) et ses colocataires ont affiché début avril sur le mur de leur jardin le message « Macronavirus : à quand la fin ? ».
Cette banderole a intrigué des policiers qui ont mené une enquête auprès de voisins «pour savoir si on était un squat ou des Gilets jaunes», explique Raphaëlle. « Quelques jours après, des agents sont venus constater la banderole. Plus tard, cinq d’entre eux sont venus devant chez nous et nous ont demandé de l’enlever car pour eux, ce n’était pas possible d’afficher ça sur la voie publique », détaille la jeune femme.
Après avoir retiré l’objet de la discorde, un relevé d’identité des colocataires est alors effectué par la police assurant que cela n’irait pas plus loin. Or «le lendemain, trois policiers sont revenus, ont pénétré chez nous sans aucun mandat pour me remettre une convocation au commissariat sans aucun motif ».
Raphaëlle est alors placée en garde à vue pour « outrage sur personne dépositaire de l’autorité publique ». Sans l’application d’aucune mesure sanitaire, selon la Toulousaine. Se sachant dans son « bon droit», celle qui se dit « indignée » par une telle manœuvre estime que cette histoire « est tirée par les cheveux » etque «c’est complètement fou».
« Police politique »
« C’est clairement le message politique qui dérangeait car à côté de la banderole, on a installé un chariot pour collecter des denrées alimentaires à destination d’associations. On a demandé si on devait aussi l’enlever et ils nous ont dit que non», souligne Raphaëlle, qui décrit également avoir été questionnée sur les appartenances politiques de ses colocataires.
Pour Claire Dujardin, avocate de la jeune femme, « il est clair qu’il n’y avait pas d’outrage en mettant une banderole à caractère politique (terme utilisé par la police ). Ce n’est pas une infraction pénale et ça ne correspond pas à un outrage». Ce type de cas relève de la réglementation des publicités.
Cela traduit soit une volonté « d’intimider», avec le détournement de la procédure de la part du parquet. Soit « c’est pour faire du renseignement » afin de savoir « qui milite avec qui, dans quel parti politique et notamment “l’ultragauche” ». Mercredi 6 mai, la Ligue des Droits de l’Homme, mobilisée depuis les débuts, a reçu un courrier du procureur de Toulouse expliquant le classement sans suite.
La banderole avait pour but « d’exprimer ses opinions dans ce contexte particulier où on ne peut pas manifester » mais aussi « d’amener les gens à se poser des questions», d’après Raphaëlle. Pari réussi avec le mouvement de soutien qui s’est développé depuis.
09/05/2020