Les parlementaires LaREM ont voté en commission des Lois pour que les « gardes particuliers » puissent établir des procès-verbaux liés à l’état d’urgence sanitaire dans certaines zones privées. La rapporteure LaREM du texte s’était prononcée contre.
Les députés LaREM sont parfois capables de faire entendre leur voix. S’ils ont confié sans pâlir des pouvoirs exorbitants au gouvernement dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, s’ils lui ont transféré des autorisations de dérogations sans précédent par ordonnances, notamment sur le droit du travail, il leur arrive aussi de taper du poing sur la table. Ils l’ont fait cette semaine lors de l’examen de la prorogation de l’état d’urgence en commission des Lois, en s’opposant parfois à l’avis du gouvernement et de la rapporteure LaREM du texte, Marie Guévenoux.
Le projet de loi, très menaçant sur le plan de la limitation des libertés publiques et individuelles, mais aussi sur celui de la séparation des pouvoirs, ne l’était visiblement pas assez aux yeux de la majorité concernant l’extension des pouvoirs de verbalisation. Le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, a souhaité que « les adjoints de sécurité, les gendarmes adjoints volontaires, les réservistes de la police et de la gendarmerie nationale ainsi que les agents de sécurité assermentés dans les transports », puissent demain verbaliser les citoyens qui ne respecteraient pas les règles liées à l’état d’urgence sanitaire, tout comme « les agents des services de l’autorité de la concurrence pour les commerces ».
C’était visiblement trop peu pour les députés LaREM, qui ont proposé que des « gardes particuliers » de propriétés privées puissent y constater des violations de l’état d’urgence sanitaire par procès-verbaux. « Il nous est apparu une zone grise que nous souhaitons combler, certaines propriétés privées de grande superficie sont protégées par des gardes particuliers assermentés », observe Jean-Michel Mis. Le député LaREM invite alors à « étendre à ces derniers les catégories de personnes habilitées à constater par procès-verbaux la violation des dispositions prises sur le fondement de l’état d’urgence sanitaire ».
Un « continuum » entre le public et le privé pour la sécurité
La rapporteure LaREM Marie Guévenoux, qui s’est déjà exprimée contre cette extension, lui demande de retirer cet amendement, et de l’utiliser comme « amendement d’appel » plus tard dans la discussion. Problème : Jean-Michel Mis ne défend alors pas un amendement dont il est l’auteur. Il ne fait que représenter des collègues absents, à cause du confinement et des règles d’hygiène et de sécurité qui limitent le nombre de députés présents à l’Assemblée. « Comme je ne suis pas le premier signataire de cet amendement, je ne le retire pas », rétorque-t-il, avant d’estimer que « cet amendement n’est finalement pas si différent de ce que l’on connaît aujourd’hui pour les missions de sécurité intérieure, notamment le contrôle des passagers dans les aéroports », évoquant un « continuum » entre le public et le privé qu’il faudrait renforcer pour assurer les missions de sécurité.
Stéphane Mazars, qui n’est autre que le vice-président de la commission des Lois, défend de suite la proposition. Il rejette l’argument de Marie Guévenoux selon lequel il est déjà possible de sanctionner une intrusion dans une propriété privée, sur la base d’une violation de la propriété privée ou du domicile par exemple. « On peut très bien avoir une infraction qui fait le cas de plusieurs qualifications pénales », et en choisir une ou plusieurs par la suite, insiste-t-il, dont le non-respect des dispositions liées à l’état d’urgence sanitaire, dans ce cas précis. Le député promeut alors lui aussi le développement d’un « continuum de sécurité à venir avec la participation du public et du privé ». Il se prononce, en d’autres termes, exactement pour le développement et l’extension d’équipes de gardes privés, sur des terrains privés comme publics, avec pour mission le respect de règles régaliennes, bien au-delà du cadre de l’état d’urgence sanitaire et de la crise actuelle.
D’autres amendements adoptés contre l’avis de la rapporteure
En pleine dérive antidémocratique du gouvernement, qui concentre comme jamais les pouvoirs à l’Élysée et affaiblit sans cesse l’état de droit, les députés de la majorité ont suite à cette intervention adopté comme si de rien n’était l’amendement présenté par Jean-Michel Mis. Reste à savoir s’il survivra à l’examen du texte dans l’hémicycle, en cours. Idem pour d’autres amendements votés par LaREM et le Modem, dont l’obligation d’une autorisation du juge judiciaire pour prolonger une quarantaine au-delà de 14 jours, ce qui renforcerait en partie les pouvoirs de la justice par rapport à la version initiale du texte, quand bien même l’État resterait à la base seul décideur d’une mise en quarantaine, comme dénoncé, entre autres, par le Syndicat de la magistrature et le Ligue des droits de l’Homme.
Contre l’avis de la rapporteure Marie Guévenoux, les députés LaREM ont aussi adopté un amendement contraignant le gouvernement à adresser chaque trimestre un rapport détaillé sur les mesures de traçage des personnes infectées par le Covid-A9, avec un avis de la CNIL. Ils se sont aussi prononcés pour une anonymisation des données quand elles sont utilisées pour la surveillance épidémiologique. Et, toujours contre l’avis de la rapporteure, pour supprimer la rémunération supplémentaire faite aux médecins les encourageant à collecter les noms et coordonnées des citoyens ayant été en contact avec des patients positifs au Covid-19…
09/05/2020