Magazine Beaux Arts

L’Amérique que j’aime (ou pas)

Publié le 20 juillet 2008 par Marc Lenot

La famille, les stars et quelques idées simples sur le reste du monde, c’est la vision qui s’est dégagée pour moi des photos d’Annie Leibovitz à la Maison Européenne de la Photographie (jusqu’au 14 Septembre). Annie Leibovitz est évidement une grande portraitiste et un des intérêts de son travail (et de cette exposition) est la conjugaison de ses photos publiques et de ses photos privées, formats différents, postures différentes.

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Du côté de l’intime, nous saurons tout de ses parents, de sa famille, de Susan Sontag, jusqu’à l’agonie, de ses filles (mais pas de leur géniteur). Annie Leibovitz dévoile son intimité d’une manière franche, sans fard, impudique même, provoquant parfois un certain malaise, mais témoignant aussi magnifiquement de son amour pour Susan Sontag. J’ai adoré cette photo spectaculaire de Susan Sontag à Petra (Jordanie, 1994), ce contraste de formes et de lumières, cette fracture brutale d’où émerge la façade blanche du temple et Sontag, minuscule silhouette noire et pourtant démiurge.

Quant au public, vous avez là le catalogue de stars le plus complet que vous puissiez imaginer. Il va de Clinton à Bush, de Patti Smith à Brad Pitt, et même de R2D2 à Michael Moore.

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Et aussi ces neuf femmes à déchiffrer : le cliché est titré ” Cindy Sherman, Vandam Street Studio, NY 92“.
Que demander de plus ? Toutes les icônes sont là !  Ce qu’on pourrait demander de plus, je crois, c’est un peu moins de conformisme, un peu plus d’audace, laquelle semble se limiter à Demi Moore enceinte, oh combien scandaleuse !
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En cherchant bien, très haut dans le mur de photos, j’ai trouvé cette image de la sulfureuse Diamanda Galás (1991) crucifiée nue (image difficile à bien photographier, vu sa position; désolé pour le flou et pour ma main, et merci si vous pouvez me fournir une meilleure image. Celle-ci semble être un montage final; aussi celle-là). C’est bien la seule image de l’exposition qui ne soit pas politiquement correcte…

A part le tourisme (très belles photos de Wadi Rum), les incursions d’Annie Leibovitz hors des Etats-Unis sont tout aussi empreintes de pensée correcte : allons dénoncer les scandales reconnus (Bosnie, Rwanda) et gardons-nous des sujets controversés (Palestine, Iraq,..). Son voyage à Sarajevo (1994), outre une photo de Luc Delahaye tout jeune, produit une très belle photo de la Bibliothèque Nationale en ruines, et surtout cette trace de sang au sol, un adolescent en vélo tué par un mortier

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(et bien sûr, la photographe responsable -pas comme Kevin Carter- l’emmène à l’hôpital, mais en vain; il faut toujours un peu de storytelling). La photo du Rwanda présentée ici est aussi une photo de traces : traces de sang laissées par des enfants massacrés dans une école. Des traces, des empreintes, rien de plus; on ne montre pas l’horreur.

Je me suis demandé pourquoi j’ai été ainsi déçu par cette exposition. Je l’ai compris en arrivant devant le superbe portrait de Richard Avedon par Annie Leibovitz (et, à côté, le ‘portrait’ de l’appareil photo d’Avedon). Voici ce qu’Annie Leibovitz dit d’Avedon : “Le génie d’Avedon résidait dans ses talents de communicateur. Il poussait ses sujets dans leurs retranchements. Moi, j’observe. Avedon savait parler aux gens. Il savait de quoi leur parler. Dès que l’on engage la conversation avec quelqu’un, son visage s’anime. Il oublie l’objectif. Son esprit est occupé et son expression devient plus intéressante. Mais moi, je suis trop occupée à regarder mon sujet. Je suis incapable de parler. Je n’ai jamais eu ce don.”

La différence est visible. 

Photos 2 et 3 de l’auteur. Toutes photos © Annie Leibovitz


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