Parfois me reviennent à l’esprit
les yeux gris d’une jeune femme
parfois me revient à l’esprit
telle page d’un livre de magie
Où l’on peut lire les vertus de la flamme
le sens profond de toutes les couleurs
Et parfois j’oubliais ma douleur
à rechercher par quel détour
ou par quelle grâce
le livre faisait du vert la couleur
de l’amour qui nous enlace
puis j’oubliais la magie
au gré du jeu gris de la vie
Mais les yeux gris de la jeune femme
me rejoignaient au détour du chemin
ses yeux son ventre et ses seins
et toutes les attitudes de son plaisir
lorsqu’un jour un souvenir mêlé de désir
me ramena une confidence ancienne
que lorsque la joie l’abattait
dans un tourbillon de rires
de prières, de soupirs et de menaces
ses yeux se vidaient de toute image
et de la mienne
pour ne garder qu’un pur espace
semblable à la verte étendue
des prairies et de la mer
Alors parmi les pensers amers
qui nourissent mon âpre vie
j’admis qu’il fallait compter
Avec la magie.
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Paul Nougé (1895-1967) – Au palais des images les spectres sont rois. Écrits anthumes 1922-1967 (Allia, 2017)