On peut suivre d’ailleurs une ligne dans ce jeu d’oppositions : Abel a dit : « Commencez avant d’avoir fini ! », dès la deuxième citation. Plus loin, page 13 : Le Maître à l’Impatient juvénile dit : « N’espère pas finir avant d’avoir commencé ! ». Puis page 31 ; Le Maître avoua : « Il n’y a ni fin ni commencement. » Enfin page 43 ; Un jour Abed dit : « La fin est mère du commencement. »
Le Maître fut successivement Abbé père ermite chrétien, Abed musulman soufi, Rabbi l’hébreu… comme le porte-parole de toutes les religions réunies, et il est ajouté : dans l’œcuménisme libertaire d’un temps non historique… Son nom ne vient-il pas d’une propension enfant à rire et à être gai… On voit bien que Daniel Biga s’amuse avec son personnage, au-dessus des contingences et des cultes, et que ses préceptes sont néanmoins tout empreints de sagesse. On l’imagine, philosophe de rue, ou ermite des campagnes, prêchant à des disciples parsemés et admiratifs la bonne parole qu’on se rapportera de bouche à oreille avec recueillement. Loin du bruit des blogs.
Il dit : / « Tout est objet. Tu es l’unique sujet. »
Abed Nil Gai, Dits & médits, Éditions Unes, 2020, 80 pages, 16 €.
Jacques Morin
Extrait :
«Maître, lui demanda Farid, comment peux-tu rester serein
et ne pas te révolter contre toutes les horreurs que l'homme
fait subir à l'homme ? »
Le silence régna. Puis Abed parla:
«Que ta révolte, mettant des œillères sur ton regard, ne te
conduise pas à la soif de vengeance et à l'injustice.
Car il n'y aurait alors plus de différence entre leur conduite
et la tienne et tu deviendrais semblable à ceux qui sont
aujourd'hui objet de ta réprobation ... »
Et il conclut :
« Rajoute à l'amour, non à la haine. »
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