Macron a donc parlé de la culture. Grands mots, petits gestes...
Si la santé n’a pas de prix (puisque la vie est sacrée), le soutien à la culture (sans laquelle la vie sonne creux) n’est pas un coût mais un investissement universel. Ce à quoi Jean Vilar rajoutait: «La culture c’est comme l’eau, le gaz et l’électricité: un service public.» Depuis le début de la pandémie, la politique publique censée défendre ses créateurs avait disparu des radars, confinée on ne sait trop où, laissant à l’abandon le secteur dans son ensemble. Pour tenter de conjurer l’indignation grandissante des artistes, des intermittents et de tous les personnels impliqués dans la vie culturelle, Emmanuel Macron a donc pris la parole, lors d’un show en bras de chemise dont il a le secret mais qui laisse un goût amer. Avouant que «la culture a un rôle à part» – nous aurions dit central –, le président en a appelé au «génie français» et aux «utopies concrètes». Soit. Et après? Quelques annonces d’urgence attendues, dont certaines importantes comme la prolongation jusqu’à août 2021 des droits des intermittents – invités par ailleurs à jouer les animateurs du temps périscolaire (sic). Mais pas de planification à long terme, malgré sa référence explicite à une nécessaire «refondation». Grands mots, petits gestes. L’absence d’introspection et de vision s’avère décidément pathologique.
Face au cataclysme prévisible, face au désarroi, le monde de la culture – gage majeur de démocratie et antidote puissant aux dérives liberticides – s’attendait sans doute à une tout autre ambition. Car la France parle depuis une longue histoire, l’histoire précieuse et accidentée d’un modèle qui nous a parfois permis d’opposer une exception – dite «culturelle» – à la stricte logique commerciale. Mais la promotion progressive et agressive d’une logique de rentabilité, rongeant l’ensemble des politiques publiques, ne s’est pas arrêtée davantage aux portes des salles de spectacle qu’à celles des hôpitaux, des écoles, des exploitations agricoles ou des transports.
«La culture ne s’hérite pas, elle se conquiert», disait Malraux. Ce merveilleux combat n’est pas un supplément d’âme. C’est une quête vitale, une exigence de première nécessité. Ainsi éprouvons-nous de la peine à écrire ceci: pour la culture comme pour le reste, rien ne garantit que l’après ne sera pas comme avant, mais en pire…