Récit - 400 pages
Auto édition Amazon - mars 2020
En mars 2009 Geoffrey Métais était suffisamment prêt pour réaliser son rêve de tour du monde sans avion... ou presque. En démarrant très fort de Paris, à vélo jusqu'à Istanbul avec son acolyte Yann. Au fil des pays, des retrouvailles d'amis ou des rencontres lors d'hébergement chez des amis d'amis. L'Asie le fera descendre de vélo et faire son chemin en bus épique, en scooter, à pieds, en bateau,... A plusieurs reprises ses parents ou des amis le rejoignent, et c'est souvent l'occasion de reprendre les sentiers battus et de surclasser repas et hébergement. Les Amériques du Sud, Centrale puis du Nord font miroiter leurs couleurs, leur diversité, même si l'espagnol lui permet une meilleure communication. Partout des anecdotes cocasses, tendres ou déplaisantes, des rires, des aides salvatrices, des dépossessions, des déconvenues intestinales et quelques frayeurs.
Après avoir lu l'Odyssée d'Homère, me voici plongée dans le périple de Geoffrey. Des péripéties, un parcours presque aussi long, mais riche de bien plus nombreuses escales !Avec un goût indéniable pour la langue française, Geoffrey distille ses récits et ses anecdotes choisies par de belles pincées d'humour, de dilettante, et de poésie. Chaque pays traversé fait l'objet d'un chapitre, et les départs de continents donnent lieu à des statistiques pointilleuses.
Le ton est à la fois familier, amical, et assez brillamment écrit, ce qui est une qualité indispensable pour les récits de voyage dignes de lecture dépaysante.La jeunesse de Geoffrey, sa fougue, son entrain lui ont permis d'avancer, de vivre, d'expérimenter, de rencontrer, de s'essayer, mais tout en véhiculant les contradictions inévitables du voyageur : envie de solitude mais de compagnie, envie d'authentique mais regret du confort, envie de différences mais sans nier ses préférences, envie d'explorer d'un regard neuf mais les yeux chargés de tous les encombrants préjugés, aimer se sentir semblable mais se savoir toujours autre, être un touriste sans faire du tourisme...
Extrait :
"Il règne une ambiance de fête dans un village isolé, près duquel je passe en scooter. Tous les villageois sont rassemblés. Je m'invite. De jeunes couples en parures traditionnelles colorées dansent en ronde au son d'un orchestre. Je suis convié à partager le repas, assis au sol, avec la main droite nettoyée au préalable dans un petit bol d'eau (à ne pas confondre avec l'eau à boire !) J'arbore un joli sourire, je prends des photos, je plaisante avec les locaux. Je suis le seul touriste et c'est tant mieux. Alors que j'imagine la célébration d'un mariage, ou une quelconque festivité locale, je découvre avec stupeur au centre de la cour un cercueil ouvert sur un macchabée. Oups, un enterrement ! Ici les funérailles sont festives : la mort est un passage et non un anéantissement. Dans les tombes batak, la tête est toujours orientée en direction du village ; si le corps venait à se relever, il partirait au loin, sans revenir hanter ses anciens voisins..."
Je peux simplement regretter l'absence des dates/périodes en début de chaque chapitre, pour avoir un repère au fil des saisons durant les deux années de bourlingue.
En cette période de confinement, c'est assurément une lecture dont on profite triplement : on voyage sans bouger et on s'évade dans des contrées visitées ou inconnues, on voyage dans nos souvenirs et dans les découvertes qui nous sont offertes. Ce qui apparaît ensuite c'est la préciosité de ce que l'on appelle les récits de voyage, qui fixent des visions sur des pays et des lieux que l'on ne pourra éventuellement plus parcourir de la sorte. Un certain spleen, une nostalgie, quelquechose dans ce goût-là... Mais les réflexions que livre l'auteur en toute fin d'ouvrage changent le ton : il est question d'une grande lucidité qui tord le cou à l'ironie et aux conclusions hâtives parfois portées à travers son parcours. Au final, pourquoi, quel en est le sens, et par quels autres moyens pourrait-on s'absenter pour dîner en comblant nos soifs autrement ? Des soifs d'ailleurs et d'émerveillements certes, mais surtout des envies d'humanité et d'harmonie. Cela résonne d'autant plus à l'heure où notre confort occidental devrait remettre en question sa liberté totale de mouvements et de voyage en tous lieux. Et quelle déclaration finale d'amour à sa contrée !Un récit vivant qui assurément vaut la lecture et qui réserve à ses lecteurs une grande générosité et son pesant de surprises et de rebondissements ! Et les photos rendues disponibles en partage illustrent et complètent le voyage en beauté !