Alors que la crise incite une partie des consommateurs à prendre soin de leur épargne, une jeune pousse britannique, Cash Coach, lance opportunément son application destinée à faciliter l'adoption des meilleures pratiques en la matière grâce à des mécanismes de jeu. L'occasion de s'interroger sur la pertinence d'une telle approche.
Contrairement à la plupart des tentatives de ludification de la finance personnelle qu'il m'a été donné d'analyser au fil des ans, Cash Coach ne se contente pas d'ajouter quelques gadgets au sein d'une expérience par ailleurs relativement traditionnelle, mais retient une logique de jeu dès la prise en main initiale, puis sur l'ensemble des parcours proposés. Ainsi, la création d'un profil commence par la sélection d'un avatar et d'un niveau de difficulté… avant l'invitation à connecter ses comptes bancaires.
Le concept n'en est pas moins extrêmement sérieux, puisque le cœur de la solution repose sur une classique analyse intelligente des transactions, qui permet de déterminer la situation financière de l'utilisateur, d'identifier les actions prioritaires à planifier pour l'optimiser (et accroître son patrimoine) et de suivre au jour le jour les progrès accomplis. En revanche, c'est dans la manière de présenter ses conseils et, surtout, d'encourager le passage à l'acte que l'outil prend une tournure divertissante.
À une échelle macroscopique, d'abord, Cash Coach se démarque de la vision abstraite habituelle de l'épargne – y compris, pour beaucoup de personnes, quand elle est « matérialisée » par un projet, souvent trop lointain pour être vraiment concret – en lui rattachant un objectif pratique, directement visible. En effet, la mission confiée au joueur vise à faire franchir les 5 niveaux de maturité de son avatar, et chaque geste accompli lui procure une occasion de mesurer son avancement, presque en temps réel.
D'autre part, les recommandations formulées se veulent ancrées dans le quotidien de l'utilisateur : pas question de lui demander de mettre un certain montant de côté (ni de le faire à sa place). Il sera plutôt poussé à réduire ses dépenses de restaurant ou de loisirs, par exemple, jusqu'à un niveau prédéterminé. C'est, évidemment, dans le choix de ces cibles quantifiées que les algorithmes de la startup démontreront leur puissance, par leur capacité à équilibrer catégories ayant un impact maximal et acceptabilité de l'injonction, et ce pour chaque individu, avec ses propres contraintes et limites.
Malgré ces prémisses prometteuses, je ne peux m'empêcher d'émettre en doute, après tellement d'expériences peu concluantes, sur la validité même du principe de ludification dans les finances personnelles. Le rythme, lent par nature, de la gestion de budget n'est-il pas finalement incompatible avec l'excitation que doit engendrer un jeu réussi ? La gravité du sujet de l'argent, pour beaucoup de monde, peut-elle s'accommoder, dans la durée, d'une approche légère et futile ? N'y a-t-il pas là une impossibilité profonde ?
Cash Coach apportera peut-être un nouvel éclairage sur ces questions essentielles…