Le chanteur kabyle Idir s’en est allé : tanmirt-ik, l’artiste !

Publié le 04 mai 2020 par Africultures @africultures

Le chanteur kabyle Idir, pilier de la culture kabyle et amazighe, s’en est allé ce samedi 2 mai. Depuis, d’innombrables hommages fleurissent sur les réseaux sociaux et dans les médias. Une chose est sûre : Idir était aimé. À son tour, Africultures rend hommage à « notre vava, à tous ».

Perdre son père une seconde fois

Le premier album d’Idir, A vava inouva, sort en 1976. Le morceau éponyme A vava inouva fait rapidement le tour du monde : une première pour un artiste algérien ! Moi, je suis née en 1980, dans un foyer joyeux où la mélancolie de l’exil venait parfois s’inviter. Tout se passait autour de la chaine hifi, avec ses grosses enceintes au coffrage de bois. Une pile de vinyles et des cassettes de Slimane Azem, Matoub Lounès, Lounis Aït Menguellet. Et puis Idir. Idir et sa voix si douce, sa voix de conteur. Sur les réseaux sociaux, nombreux sont ceux et celles qui pleurent aussi une partie de leur enfance, celles des contes et des berceuses. Mes parents ne connaissaient pas les comptines françaises. Pour nous endormir, ils nous chantaient Ssendu. Pour nous réveiller aussi, ils chantaient. Ils chantaient toujours, mes parents. Et quand la mélancolie changeait de cap, il y avait Azwaw, Cteduyi, et surtout Zwit Rwit, numéro 1 des mariages kabyles, notre rock n roll à nous repris plus tard en arabe par Cheb Khaled. Partout dans les médias, on cite le sociologue Pierre Bourdieu qui disait, à propos de Idir : « Ce n’est pas un chanteur comme les autres. C’est un membre de chaque famille. » Pour moi, perdre Idir, c’est un peu perdre mon père une seconde fois.

Julien Pitinome

Un passeur, entre deux rives

Dimanche 3 mai, je pleure. Ma mère m’envoie un message sur WhatsApp : « Dans ton article, tu le remercies pour ce qu’il a toujours dit des femmes ! Et puis tu dis aussi comment il a su puiser dans la poésie et les contes de la culture kabyle, tout en acceptant la modernité ! » La modernité dont elle parle, c’est cette capacité qu’avait Idir à créer des collaborations inédites avec des artistes de tous horizons, sur des albums aux titres évocateurs comme Les chasseurs de lumière, Identités, La France des couleurs ou encore Ici et ailleurs. Idir, c’était celui qui a fait chanter en kabyle Bernard Lavilliers, Francis Cabrel, Tryo, Grand Corps Malade, Manu Chao ou Oxmo Puccino, et même Charles Aznavour, sur une reprise de La Bohème ! Idir, c’était un passeur de la langue kabyle, cette langue menacée par l’austère politique d’arabisation du gouvernement algérien. Celui qui a essaimé des petits bouts de Kabylie à travers le monde.

Et puis ma mère a raison. Idir, il était féministe. Ce dimanche 3 mai, j’écoute Lettre à ma fille, un morceau du chanteur dédié à sa fille Thanina : « Tu sais ma fille, chez nous, il y a des choses qu’on ne se dit pas. » Ce texte d’une grande pudeur est une invitation à réinventer librement les traditions : modernité, ma mère avait raison.

IMAZIGHEN : des hommes libres

Je ne pleure plus mais j’ai peur. Matoub assassiné, Idir s’en est allé : de cette génération de combattants pour l’amazighité, il ne reste plus que Lounis Aït Menguellet. Mon frère me rassure : « Nous sommes des Imazighen, nous sommes résilients, fais confiance à la relève ! » Que le combat continue, les enfants d’Idir sont prêts.

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