La référence, c’est Le joli mai, un film tourné en 1962 par Chris Marker. Donner la parole aux gens. Cette fois, en 2017, de la veille de l’élection présidentielle à quelques semaines plus tard, Mehdi Meklat et Badroudine Saïd Abdallah ont traversé la France, de Calais à Marseille, posant à peu près les mêmes questions de région en région. Et c’est d’abord une France sans espoir qu’ils découvrent. Pas seulement ces grévistes de la Creuse qui sont à bout parce que personne ne les écoute, même si des télévisions sont passées les voir depuis qu’ils ont menacé de faire sauter leur usine. Sans espoir, quelles que soient les situations, les opinions. Une sorte de fatalisme. La réalité ? c’est la marche que tu n’as pas vue et qui te fait tomber. Le rêve ? soit tu n’en as plus, soit c’est d’avoir beaucoup d’argent (pour pouvoir se payer un lifting). Les autres ? ceux qui sont cachés dans les bois et à qui un bénévole offre de quoi manger, comme en cachette pour que cette misère ne se voie pas. On a commencé avec les larmes d’un ouvrier qui n’en peut plus du mépris et de la fatigue ; on trouve un jeune homme qui cite Sophocle quand on ne s’y attend pas :
Créon : Jamais un ennemi, même mort, ne devient un ami.
Antigone : Je suis née pour partager non la haine, mais l’amour.
Et s’opposant à l’image des hommes qui, à Calais, s’enfoncent dans l’ombre des bois, on finit avec celle de plongeons joyeux des jeunes marseillais.