Dans le Gard et l’Hérault, le SNUipp-FSU, la CGT et Sud éducation estiment que les conditions ne sont pas réunies pour la rentrée du 11 mai. PCF, LFI et PS acquiescent. à Montpellier, le maire Philippe Saurel demande même aux parents de ne pas envoyer leurs enfants en classe !
Le moins que l’on puisse dire c’est qu’édouard Philippe n’a pas convaincu. Mardi 28 avril à l’Assemblée nationale, les précisions du Premier ministre n’ont pas permis de dissiper les craintes du corps enseignant, des parents et de nombreux maires au sujet du choix d’Emmanuel Macron de rouvrir les écoles le 11 mai.
En Occitanie, de nombreuses voix s’élèvent contre ce choix jugé au mieux hasardeux, au pire inconscient. C’est particulièrement le cas dans le Gard et l’Hérault où la plupart des syndicats sont vent debout.
Sud Education Gard-Lozère n’a pas été entendu sur ses demandes d’un plan de suivi sanitaire rapproché des élèves et du personnel ou, à court terme, la constitution d’une médecine de prévention. Le syndicat s’interroge sur «les nombreuses interrogations qui subsistent autour de cette reprise» : désinfection des classes, dépistage systématique des enfants et enseignants, matériel de protection insuffisant, distanciation sociale…
Du côté de Béziers, la CGT éducation a fait savoir qu’elle «condamne cette vision de l’École comme simple lieu de garderie et s’oppose à sa réouverture tant que les mesures matérielles dans des conditions de sécurité sanitaire satisfaisantes ne seront pas garanties».
Enfin le SNUipp-FSU est peut-être le syndicat le plus virulent. Le co-secrétaire héraultais Anthony De Souza n’hésite pas à faire part de son incompréhension. «Comment gérer la sieste en maternelle, les repas à la cantine?» Il est en colère. « Pour nous, cette reprise est prématurée et n’est absolument pas préparée!»
Profs : des droits de retrait
Anthony De Souza pose cette question : «Pourquoi l’école en présentiel est-elle facultative s’il n’y a pas de risque?» Et ce professeur des écoles à Montpellier d’apporter une réponse de bon sens, la seule qui explique le choix invraisemblable du gouvernement de renvoyer d’abord à l’école les plus jeunes qui sont ceux qui respecteront le moins les gestes barrière. «Les inégalités sociales et scolaires réelles ne datent pas de mars 2020. C’est un choix économique lié à la garde des enfants et non à la santé de la population qui prévaut».
Autant de raisons qui poussent le SNUipp-FSU à refuser de porter le risque d’une contamination massive des personnels, des élèves et de leur famille. «Des enseignants vont exercer leur droit de retrait, nous les accompagnerons.»
Les parents d’élèves ont également fait savoir leur mécontentement. Selon un sondage Odoxa, 64% refusent d’envoyer leurs enfants à l’école. La FCPE souhaite un retour à l’école qui soit «sécurisé». «Il y a encore trop d’incertitudes, à l’image du flottement qui règne au plus haut niveau de l’état». Enfin, l’inquiétude est grande dans les crèches limitées à 10 bambins où le respect des gestes barrière semble utopique. «Difficile de faire comprendre à un enfant de moins de troisans qu’il ne faut pas se rapprocher des autres. Quant aux bébés, leur donner un biberon ou les porter à un mètre de soi, c’est impossible», a témoigné chez nos confrères de France 3, Mathilde Lacroix Delafolie, à la tête d’une crèche gardoise. L’inquiétude est d’autant plus légitime que le Coronavirus pourrait provoquer chez les enfants la maladie de Kawasaki (inflammation du muscle du cœur pouvant provoquer un anévrisme).
Côté politique, si la droite locale, muette, se réjouit sans doute que les parents reprennent le travail, la gauche tire à boulets rouges sur cette réouverture prématurée des écoles. Du côté du PS gardois, on regrette «peu de concret, un rétroplanning et trop d’approximations». «Le Premier ministre fait cavalier seul».
Ménard soutient Macron
à Montpellier, le PCF qui n’a aucune confiance dans un gouvernement qui a «tout dit et son contraire» depuis le début de la crise, rappelle que le Conseil scientifique s’est prononcé pour une rentrée en septembre. «Pour le Medef et le gouvernement l’économie prend le pas sur la santé».
Muriel Ressiguier (LFI) estime quant à elle que la démocratie a été piétinée par le «simulacre de débat» qui a suivi le discours d’édouard Philippe et le recours à l’article 50-1. Sur le fond, la députée héraultaise déplore «un discours navrant, un flou artistique transférant la responsabilité sur chaque citoyen en cas d’échec».
à Nîmes enfin, la conseillère municipale Catherine Bernié Boissard s’inquiète du fait que l’état fait porter toute la responsabilité sur les maires. «Ces mesures indispensables ont un coût élevé, qui impactera le budget adopté en décembre (…) Qui va payer?» s’interroge l’élue communiste d’opposition. Dans la presse, le maire LR Jean-Paul Fournier a déjà laissé entendre qu’il faudra sans doute augmenter les impôts…
Si les injonctions des préfets les empêcheront de laisser leurs écoles fermées, nombre de maires ont fait savoir qu’ils étaient opposés à la rentrée du 11 mai. C’est le cas de Philippe Saurel. Le maire de Montpellier a même appelé les parents à ne pas envoyer leurs enfants à l’école ! «Les conditions ne sont pas réunies pour rouvrir les écoles dans la sérénité (….) C’est prendre beaucoup de risques pour peu de jours d’école», assume celui qui prend de plus en plus ses distances avec Emmanuel Macron qu’il avait soutenu à la Présidentielle 2017.
A Saint-Brès, le maire Laurent Jaoul a annoncé qu’il ne rouvrira pas ses écoles. Sauf si le préfet attaque son arrêté et qu’une décision de Justice l’y oblige. «Les conditions sanitaires ne sont absolument pas remplies. Ma priorité est de protéger mes concitoyens».
Le maire Robert Ménard (EXD) qui vient d’annuler la Feria de Béziers, est l’un des seuls édiles à se réjouir de cette rentrée précipitée. «Monsieur Macron a eu raison de le faire. Je ne crois pas qu’il soit raisonnable d’accepter que les enfants soient loin des écoles pendant de longs mois». Une illustration supplémentaire du fait que derrière ses discours de façade pro-classes populaires, l’extrême droite est tout aussi libérale que les partis de droite.
02 mai 2020