Troisième et dernier épisode de la découverte de mon cercle de jeu de 1 km à Saint-German-en-Laye. Dans ce nouveau footing, je vous emmène cette fois dans le coeur de mon cercle, là où chacune de nos foulées nous rappelle la richesse historique de la ville.
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L’entraînement débute devant chez moi, rue des Bûcherons. Avant de déclencher le chrono, un regard sur le trottoir d’en face, L’Hôtel de Reims, étonnant clin d’œil pour moi le Marnais. Au 17e siècle, les cardinaux Barberini et Le Tellier y logèrent. Charles Maurice Le Tellier était archevêque-duc de Reims. Il fut surtout responsable de La Chapelle royale de Louis XIV dès 1665. Neveu du pape Urbain VII, Antonio Barberini fut lui aussi archevêque de Reims, en 1657. La montre n’indique pas encore cent mètres et déjà se profile l’Hôtel de ville. Présent sur le plan historique dressé par Nicolas de Fer en 1705, l’hôtel de la Rochefoucauld accueille nos édiles depuis 1842. Dans son jardin, une stèle du Général de Gaulle y fut posée depuis 1979.
Habituellement animée par une longue file de taxis venus embarquer leurs clients à la sortie du RER, la rue Roger de Nezot est déserte (saint-germanois, membre de la loge franc-maçonne « La bonne foi », il se proposa en otage aux Prussiens pour sauver la ville pendant la guerre de 1870). Mais à sa sortie se profile le château. Plus de 5 ans maintenant que, tel un phare, je le vois apparaître chaque matin au moment de partir, qu’il m’accompagne chaque soir quand la journée de travail s’achève, qu’il est ma récompense quand je rentre d’un long entraînement et que je le vois surgir en sortant de la forêt. Mon réconfort aussi. Chaque nuance de lumière le rend différent. Chaque jour le même plaisir à le redécouvrir.
Une vie ne suffirait pas pour en conter toute son histoire, toutes ses histoires, toutes ses vies. Longtemps résidence des rois de France (de Louis VI le Gros au 12e siècle qui fit bâtir le premier château fort à cet emplacement et jusqu’à Louis XIV qui décida de faire construire le château de Versailles et de s’y installer en 1682), prison (Rouget de Lisle y aurait été prisonnier en 1793), école de Cavalerie sous le Premier Empire, pénitencier militaire et musée depuis plus de 150 ans (à l'initiative de la Reine Victoria d'Angleterre, Napoléon III, passionné d'archéologie, lança un grand programme de restauration pour en faire un Musée ; l’inauguration eut lieu en 1867 ; le général de Gaulle le visita en 1965 sous la conduite d’André Malraux alors ministre de la Culture). Dans ses galeries, le « MAN » (Musée d’Archéologie Nationale) accueille de nombreuses collections, véritables incitations à la découverte de l'histoire, celle de France et d’ailleurs, du paléolithique au Premier Moyen-Âge, en passant par le néolithique, l'âge de bronze, l'âge du fer et le temps des Gaulois. Telle « La Joconde » au Louvre, ou « La Ronde de Nuit » au Rijksmuseum d’Amsterdam, « La Dame de Brassempouy » en est son trésor. Taillée dans l’ivoire d’une défense de mammouth à l’époque du paléolithique, il y a environ 25 000 ans, « la dame à la capuche » (son autre nom) est l’une des plus anciennes figurations réalistes d’un visage humain. Un tout petit bout d’os taillé, 3,65 cm de hauteur, 1,9 cm de largeur, deux yeux, un nez, mais pas de bouche. Et surtout le témoignage d’une ère tellement lointaine. Fascinant. Le Musée est fermé. Nous ne sommes pourtant pas mardi. Seul le drapeau tricolore accroché au-dessus de son entrée continue de flotter. Lui n’est pas en berne.Le footing se poursuit sur l’esplanade du château. A son angle sud, se dresse la chapelle. Érigée en 1235 à la demande de Saint-Louis (Louis IX), elle servit de modèle à la Sainte-Chapelle de Paris. De nombreuses cérémonies y furent célébrer au cours des siècles. Dans ce chef-d’œuvre gothique rayonnant long de 27 mètres, large de 11 mètres et haut de 16 mètres et au pied de sa rose (diamètre de 10 m), François Ier épousa Claude de France en 1514, Louis XIV fut baptisé.
Face au château, se dresse l’église avec ses six gros piliers pour soutenir son entrée. Au 14e siècle, Charles V le sage en fit poser les premières pierres. Au fil des siècles, de nombreux travaux commandés par les rois successifs transformèrent l’édifice. Jusqu’au 19e siècle où se dessina sa forme actuelle. Derrière, à certaines heures de la journée, l’ombre de son clocher vient recouvrir les sculptures de bronze de l’Abbé Pierre de Porcaro, prêtre de la paroisse déporté et mort à Dachau en 1945, et du musicien Claude Debussy, né à Saint-Germain en 1862 et dont la ville a célébré en 2018 le centenaire de sa mort (la sculpture de Debussy est l’œuvre de l’Américain Mico Kaufman et date de 1998). Au retour, le footing nous fera passer devant la maison natale du compositeur, 38 rue au Pain, aujourd’hui transformée en musée dédié à l’artiste.Sur l’un de ses murs, une plaque rappelle qu’ici repose Jacques II, dernier roi d’Angleterre de la maison des Stuarts, et d’Irlande, de 1685 à 1688 (également roi d’Ecosse sous le nom de Jacques VII). Contraint à l’exil, il trouva réfuge en France, au château de Saint-Germain-en-Laye (Louis XIV était son cousin). Il y mourut en 1701. Quand la forêt nous sera rendue, nous pourrons courir jusqu’au « chêne aux Anglais » et son oratoire dédié à Sainte-Marie des Hirondelles, là où le roi en exil et sa cour jacobite aimait venir prier, pas très loin de la grille de la demi-lune.
Sur les marches de cette église, à quelques pas de la sortie du RER, combien de rendez-vous ont été donnés ? Combien de cœur ont vibré plus fort que d’ordinaire dans l’attente d’une première rencontre ? Combien de larmes aussi y ont été versées. Des histoires d’amour naissantes, d’autres déclinantes, des amitiés, des espoirs, des peines, des rires, des regards, des cris. Toute la palette des sentiments s’est étalée sur ces marches au fil des siècles. Des histoires par milliers, celles qui nourrissent l’Histoire, chacune à sa mesure. Mais aujourd’hui, comme depuis des semaines, seules les cloches viennent rompre le silence d’ordinaire réservé à l’intérieur de l’église.
Les terrasses des bars sont vides, elles aussi. Elles aussi ont vu défiler ces milliers d’histoires. Les premiers regards troublés autour d’un verre partagé à l’ombre des petits arbustes de la place André-Malraux ou bien, l’hiver, réchauffé par la chaleur des chauffages accrochés au-dessus des têtes, le plaisir de déguster un chocolat chaud.
Avant de bifurquer sur notre droite, passage devant la grille du Jardin des Arts. Le visiteur est accueilli par une façade édifiée à Vendôme (Loir-et-Cher) et offert à la ville par son propriétaire, un antiquaire, en 1958. Au fond de l’allée principale, apparaît le Théâtre Alexandre-Dumas (inauguré en 1989 et baptisé ainsi pour rendre hommage à l’auteur des Trois mousquetaires, directeur du théâtre de Saint-Germain en 1846). Lui aussi attend les beaux jours, ceux il ouvrira à nouveau ses portes. Nos foulées nous ramènent maintenant vers le centre à travers les petites rues dont les noms nous font une fois encore voyager dans l’histoire. Rue Saint-Louis, Rue de l’Aigle d’Or, rue des Coches, rue des Vieille Boucheries, Rue du Vieil Abreuvoir.Traverser la Rue de Paris et se faufiler dans un discret passage. Une plaque accrochée au mur rappelle l’histoire du lieu. « Ici et alentour s’élevait le premier hôpital de Saint-Germain, construit sous le vocable de Saint-Eloi et dont Regnault Larcher fut le bienfaiteur au 13e siècle. Le couvent des Recollets proche de ce lieu fut consacré en présence de Louis XIII, le 7 septembre 1625 » (récollets vient du mot récollection qui signifie « action de se recueillir »). Cachée comme un trésor, la cour Larcher résonne des cris d’enfants venus profiter de l’espace abandonné par les terrasses des restaurants. Pas question pourtant de profiter du mini parc de jeux, du château fort, et de ses passages secrets où à cet âge, on s’imagine sans doute, roi, prince, chevalier ou princesse. En attendant, ils courent sur cette place, jamais las. Eux aussi ont droit à leur cercle de jeu. Le château fort attendra encore un peu. Mais ils savent qu’ils y retourneront. Maman l’a promis. Bientôt.
La rue Voltaire nous amène Place de Mareil. Discrète, une stèle rend hommage au Lieutenant-Colonel René Gatissou, saint-germanois décédé en 2012, Compagnon de la Libération, pionnier des Forces Aériennes Françaises Libres ayant répondu parmi les premiers à l'appel du Général de Gaulle.
Juste en face, le square Gérard de Nerval (l’écrivain, figure du romantisme français, vécut quelques années à Saint-Germain, au début du 19e siècle) est lui aussi désert. Il nous montre le chemin vers la rue du Maréchal Joffre. Les portes du conservatoire Claude-Debussy sont fermées. Aucune note ne s’en échappe depuis des semaines. A quelques dizaines de mètres de là, la Clef reste elle aussi silencieuse. Moments inédits dans la vie de ce lieu si souvent animé par les concerts qui le font vibrer tout au long de l’année. Créée en 1984 sur les « fondations » de la MJC, l’association est un des poumons culturels de la ville. De nombreux artistes y ont éclos. D’autres y écloront encore. Bientôt.
Dernières foulées, fin de l’entraînement. Sur la Place du Marché Neuf rendu aux piétons en 2007 (elle servait auparavant de parking), les passants ne font plus que passer. Encore quelques jours. Car sur ce lieu lui aussi historique (cimetière de Saint-Germain jusqu’au 18e siècle) entouré par des maisons datant de 1820 et par les célèbres arcades (le bâtiment de la poste actuelle fut construit en 1911 à la place de la halle aux blés et aux farines), bientôt résonneront à nouveau les éclats de voix des commerçants du marché. Bientôt reviendront les odeurs des étals de poisson, de fruits, de viande. Bientôt rejailliront les petits jets d’eau où viendront jouer les enfants. La vie reprendra. Bientôt.