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A to Z of Caribbean art: la part des femmes

Publié le 01 mai 2020 par Aicasc @aica_sc

Sait – on que sur cent artistes qui œuvrent il y a quarante – sept femmes ? Que sur cent plasticiens notoires, il n’y a que quatre femmes ?  C’est ce que disait en 1985, la Présidente de la Fondation Camille. Une fondation ainsi nommée en hommage à Camille Claudel et entièrement consacrée à la promotion d’œuvres d’artistes femmes. En 1990, une exposition de la Fondation Camille avait été accueillie à Fort de – France. Parmi les plasticiennes de la collection : Orlan, Sophie Calle, Geneviève Claisse, Hélène Delprat, Rebacca Horn, Lea Lublin, Tania Mouraud, Aurélie Nemours, Nancy Wilson- Pajic, Gina Pane…

La proportion de femmes – artistes est-elle la même aujourd’hui ?  La reconnaissance est – elle plus difficile à atteindre pour les artistes – femmes ?

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Dans l’annuaire A to Z of Caribbean art, on compte 26,50% d’artistes femmes sur 282 plasticiens.

C’est bien évidemment parfois frustrant. Par exemple, une seule femme artiste est répertoriée pour la Caraïbe francophone, Kelly Sinnapah Mary. Il est vrai que sa démarche est exemplaire, originale et d’ailleurs largement analysée  dans ce blog. (C’est le moment d’activer la recherche thématique du blog  pour retrouver tous les articles qui lui sont à juste titre  dédiés) Mais gardons en mémoire qu’il y aurait autant d’annuaires que d’équipes éditoriales, chacune ayant ses critères et ses priorités. Qui plus est, il est absolument impossible de donner une image complète d’une création de quelque région que ce soit dans un seul ouvrage.

En  dépit de ce qui peut paraître à chacun une lacune cruelle, A to Z of Caribbean art reste un ouvrage riche, dense, bien documenté, d’une grande qualité  éditoriale et que l’on n’en finit pas d’explorer.

Sur les femmes artistes par exemple, il présente onze  pionnières, toutes nées entre 1896 et 1936 et aujourd’hui disparues.

MYrna Baez Platana 1974 Smithsonian American Art Museum Leila LOcke Leong Pang, , Fish Market 1935 Myrna Baez 1931 Luisa Geigel Luce Turnier Sybil Atteck Louisiane de Saint Fleurant 1987 Edna Manley Amelia Pelaez, Fishes 1943 Antonia Eiriz 1993 Olga Albizu, , Radiante 1967

Il  y a les spécialistes du paysage : Myrna Baez (Porto Rico 1931-2018), Leila Locke (Grande-Bretagne 1936-Barbade 1992), Amy Leong Pang (Trinidad 1908-1989)

La peinture de Myrna Baez qui appartient à la collection du Smithsonian Américan muséum représente un champ luxuriant de bananiers qui affirme fortement l’identité et la souveraineté de Porto Rico. Leila Locke se concentre plutôt sur les charmes de l’architecture vernaculaire au cœur de petits jardins et Amy Leong Pang sur les paysages de Trinidad. Egalement originaire de Trinidad, Sybil Atteck (Trinidad 1911-1975) privilégie les scènes de genre tandis que Louisiane de Saint Fleurant ( Haïti 1924-2005), la seule femme au sein du groupe Saint – Soleil, offre dans un style très personnel que l’on pourrait qualifier de naïf, des scènes de la vie quotidienne librement interprétées d’une tonalité joyeuse.

 Myrna Baez campe certes aussi des figures féminines comme Luisa Geigel (Porto – Rico 1916-2008)  et Luce Turnier (Haïti 1924/France 1994). Ce sont des portraits figuratifs avec chez Luisa Giegel on retrouve une attention particulière aux postures, aux torsions.

Le parcours d’Edna Manley (Grande Bretagne1900/Jamaïque1987) et son action en faveur du rayonnement des arts plastiques à la Jamaïque est connu. C’est aussi l’une des rares femmes sculpteurs présentées dans cet ouvrage, avec une autre jamaïcaine contemporaine Laura Facey. Plutôt que de remontrer l’emblématique Negro Aroused, voilà une sculpture moins connue mais toujours un corps masculin puissant et fier.

Amelia Peláez del Casal ( Cuba 1896-1968)  peint des natures mortes de fruits et de faunes tropicales en explorant une géométrisation qui montre sa conscience du cubisme et rappelle la structure du vitrail.  Elle a participé aux Biennales de São Paulo  et de Venise. Ce tableau Fishes figure dans la collection du prestigieux MOMA

Antonia Eiriz ( Cuba 1929/Floride1995) adhère, en 1954, au Grupo de los once (« groupe des onze »), dont les membres rejettent  l’indigénisme et le style pittoresque des premiers modernistes cubains.  Entre les lignes,  une figuration neo-expressionniste aux confins de l’abstraction,  reprend un sujet constamment traité par Eiriz: l’individu solitaire harcelé par les masses. Dans cette composition, la figure du personnage semble tomber au premier plan du tableau. Derrière lui, il y a un mur surmonté de masques.  La silhouette tombe et lève son bras comme pour demander de l’aide alors que les visages derrière le mur gesticulent et ricanent. Ses œuvres ont été accrochées dans les biennales de Mexico et  de São Paulo.

Olga Albizu (Porto- Rico 1924-2005), est l’une des pionnières de l’abstraction à Porto Rico. Ces compositions vivement colorées créent une tension entre le centre et les marges

Parmi ses pionnières, la peinture figurative domine, paysages ou portraits mais Pelaez, Eiriz et Albizu explorent respectivement une fragmentation pré-cubiste, l’expressionnisme ou  l’abstraction. Certaines ont un fort impact local et d’autres mènent une carrière plus internationale et intègrent les collections prestigieuses du Moma et du Smithsonian.

Dans mon panthéon personnel, je n’oublierai pas Carmen Herrera qui ne figure malencontreusement  pas dans ces pages.

Carmen Herrera (née en 1915) a connu une consécration tardive après des années de travail et de patience avec une rétrospective au Whitney Muséum en 2015.

Carmen Herrera, Untitled Estructura (Red) 1966 2016 Courtesy Lisson Gallery Carmen Herrera, Untitled Estructura (Red) 1966 2016 Courtesy Lisson Gallery Carmen Herrera, Untitled Drawings 1966 Courtesy Lisson Gallery Carmen Herrera, Untitled Drawings 1966 Courtesy Lisson Gallery Carmen Herrera, Pavanne Black 1967 2016 Courtesy Lisson Gallery Carmen Herrera, Pavanne Black 1967 2016 Courtesy Lisson Gallery Carmen Herrera, Estrucura Amarilla 1967 2016 Couretesy Lisson Gallery Carmen Herrera, Estrucura Amarilla 1967 2016 Couretesy Lisson Gallery Carmen Herrera, Estructuras 1966 Photo Cuban Art news Carmen Herrera, Estructuras 1966 Photo Cuban Art news Carmen Herrera, drawings 1967 Couretesy Lisson Gallery Carmen Herrera, drawings 1967 Couretesy Lisson Gallery Carmen Herrera Lisson Gallery New - York Courtesy Lisson Gallery Carmen Herrera Lisson Gallery New – York Courtesy Lisson Gallery Carmen Herrera Courtesy Lisson Gallery Carmen Herrera Courtesy Lisson Gallery One of the wall sculptures on view in “Carmen Herrera: Estructuras” One of the wall sculptures on view in “Carmen Herrera: Estructuras” Carmen Herrera Whitney Museum 2017 Carmen Herrera Whitney Museum 2017 Carmen Herrera Art public, New-York Carmen Herrera Art public, New-York

 Carmen Herrera est une adepte de l’abstraction géométrique pure. Son abstraction architecturale annonçait le minimalisme des Carl André, des Donald Judd. Carmen Herrera joue sur la simplicité formelle, des plans monochromes aux couleurs saturées, la symétrie, l’asymétrie, le rythme et épure ses formes pour ne retenir que l’essentiel. Le blanc des cimaises, révélé par les vides des formes monochromes, peuvent jouer le rôle de seconde couleur.

https://aica-sc.net/2018/10/12/estructuras-de-carmen-herrera/

https://aica-sc.net/2017/02/14/labstraction-caribeenne-une-abstraction-divergente/

Dans A to Z of Caribbean Art, on  retrouve, bien sûr, deux figures emblématiques de l’art de la Caraïbe, Ana Mendieta (Cuba1948-USA 1985) et Belkis Ayon (Cuba 1967-1999)  dont ‘l’innovation artistique, interrompue prématurément,  n’en est pas moins éblouissante

Les  artistes femmes contemporaines pratiquent généralement à la fois la peinture, l’installation, la photographie, la vidéo. A travers leurs parcours certaines thématiques se dégagent : l’impact de l’esclavage et  du colonialisme (Deborah Anzinger, Scherezade Garcia, Roshini Kempadoo, Jeannette Elhers, La Vaughn Belle, Patricia Kaersenhout, avec le point de vue original de la créole  Joscelyn Gardner ). Cet impact est souvent examiné  dans une perspective féministe (Renée Cox,  Magdalena Campos-Pons), la question du corps féminin noir est présente (Raquel Païewonsky, Tessa Mars ) de même que   la migration (Sandra Ramos , Tessa Mars). Il y a des activistes (Jennifer Allora, Tania Bruguera ). Il y a aussi  des adeptes de la performance (Janine Antoni, Joiri Minaya, Deborah Jack). Les pratiques photographiques sont diverses, sensible et plus traditionnelle avec Abigail Hadeed et Nadia Huggins, plus orientée vers la photographie post – moderne (Stacey Tyrell, Olivia McGilchrist, Quisqueya Henriquez) ou la re-contextualisation de documents photographiques du passé ( Holly Hynoe, Roshini Kempadoo)

A to Z of Caribbean art: la part des femmes

Bernadette Indira Persaud

A to Z of Caribbean art: la part des femmes

Pipa Ridley

Cependant deux peintures ont retenu mon attention, Gentlemen in the gardens (1989) de Bernadette Indira Persaud (Guyana) et Ceci n’est pas un investissement (2008) de Pipa Ridley ( Cayman Islands) parce qu’elles renouvellent toutes deux la peinture figurative. Le paysage de Persaud, entre une semi- abstraction aux notes parfois impressionnistes et une figuration allusive campe la scène étonnante d’un jardin envahi par des soldats en tenue de camouflage.  Avec un clin d’œil au fameux Ceci n’est pas une pipe du surréaliste Magritte,  Pipa évoque sa maison détruite par un récent cyclone tout en allusions, motifs et formes distendus, dans une composition où intérieur et extérieur fusionnent.

Alors, laquelle de ces pistes avez- vous envie de suivre ces jours prochains?

Retrouvez un article précédent :

https://aica-sc.net/2019/11/21/a-to-z-of-caribbean-art/

Dominique Brebion 


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