-Tu
penses faire quoi comme style de bouquin, tu as déjà des idées, tu
as arrêté quelque chose ?
-Ah
bon, il faut arrêter quelque chose pour faire un bouquin ? Ah
tiens je savais pas. Si j'arrête de fumer, c'est bien ? Oui mais
alors si j'arrête de fumer, faut que je fasse un bouquin de régime,
parce que je vais prendre des kilos ça c'est sûr.
-Non
je...voulais dire...plutôt un essai ? Tu vois, ce genre de
chose.
-Oui
tu as raison, si j'arrête de fumer, je dois faire un essai d'abord,
parce que tel que je me connais, au bout de deux jours je vais être
sur les nerfs à la maison et au moindre regard de travers de ma
femme ou de mes enfants, le frigo y va voler, je ne suis pas pour
faire voler les frigos en temps normal mais si y faut j'hésiterai
pas, faut pas me chercher après deux jours sans cigarette tu vois ?
-Non
je veux dire un roman, un conte, de la science fiction, quel genre
veux-tu faire ?
-Ah
oui un genre...ah oui non d'accord, non c'est que tu t'expliques très
mal alors on comprend mal, c'est typiquement une relation de cause à
effet, tu expliques trèès mal, on comprend trèès mal, c'est
ty-pi-que-ment la notion de causalité dans toute sa splendeur, telle
que décrite par les personnes qui ont pour métier de décrire
précisément ce genre de notions. Tu me dirais c'est l'effet
papillon je te dirais non mais tu chauffes, tu me dirais c'est
l'effet domino je te dirais je t'en foutrais moi des dominos mais tu
chauffes, tu me dirais c'est l'effet de réaction en chaîne je te
dirais et mon pied au cul il fait réaction en chaîne ? mais tu
chauffes, tu me dirais c'est l'effet de causalité je te dirais eh
ben voilà tu vois quand tu veux, t'es long à comprendre mais je me
dois d'user de pédagogie et d'aider mon prochain, et tu es mon
prochain, je le sens bien. J'ai cette très nette intuition.
-Un
roman, c'est bien un roman, j'en édite pas mal, si c'est bien écrit,
bien construit, on peut faire un carton.
-Un
roman à l'eau de rose, oui j'y ai pensé.
-Ah
bon, tu as une histoire ?
-Non,
pas la moindre. Que dalle. Par contre j'ai déjà goûté de l'eau de
rose, c'est super-bon et j'aime bien. Bon ça s'appelait « eau
de rose » mais c'était en fait de l'alcool de rose, ça venait
de Pologne je crois, je te fais pas un dessin, ça faisait arme de
destruction massive tu vois, le genre que si maintenant tu passes ça
à la douane t'es classé terroriste direct, fiché S+++Premium avec ta photo sur le
site du FBI en prime dans la catégorie des « ten most
wanted », et c'est Guantanamo qui te pend au nez. Y sont fous
ces polonais.
-Ah
oui donc tu n'as aucune idée, en quelque sorte.
-Voilààà,
c'est exactement ça ! Je suis bien content que tu en prennes
conscience.
-Ah
oui donc on n'est pas sortis...
-Voilààà,
c'est exactement ça ! Je suis bien content que tu en prennes
conscience.
-Tu
sais que je me pose des questions sur notre collaboration ?
-Alors
là, laisse-moi te dire que tu te trompes, je suis carrément le mec le plus au faîte du sujet, j'ai de sacrées idées de
livres, crois-moi !
-Ah oui, on peut savoir
dans quel genre ?
-Eh
bien figure-toi que j'ai déjà recopié la moitié du livre de
Patrick d'Arvor sur Hemingway « La vie à l'excès », ça
c'est des genres de livres qu'on se passe d'écrivain en écrivain tu vois,
ça se fait beaucoup y a pas à s'inquiéter, je vais l'appeler
« Trop trop la life » et hop, un succès de librairie
assuré.
-Ah
oui donc tu veux te lancer dans le plagiat quoi...
-C'est
pas du plagiat, alors là mais n'importe quoi hein, c'est un
hommage ! Quel plus bel hommage pour un plagiaire que de voir
son plagiat plagié, tu peux me dire ?
-On
va quand même se retrouver avec un procès avec un truc comme
ça, je te le garantis.
-Non,
on va pas, TU vas, nuance. Parce que c'est un hommage soit, mais je
n'écrirai pas sous mon vrai nom, je suis pas con. Et puis si tu n'as pas les reins
solides financièrement ni le courage de le faire, je m'adresserai à
quelqu'un d'autre. Il faut du courage et du panache dans ce métier
si on veut sortir du lot.
-C'est
ça, adresse-toi à quelqu'un d'autre.
-Qu'est-ce
que tu peux être obtus quand même , excuse-moi d'avoir une
certaine vision créatrice hein!
Le
sandre au beurre blanc.
Je
me demande si ce n'est pas mon poisson préféré.
Bien
sûr la truite c'est bon, le saumon aussi, voire un simple filet de
merlan fariné et poêlé au beurre avec du persil, mais le pavé de
sandre, ça reste incomparable, bien meilleur que le brochet, et par
ici c'est le pays du sandre et du brochet, c'est dire si je parle en
connaissance de cause . Tu penses bien.
Avec
un Sancerre blanc, un Pouilly, un Meursault.
C'est
en soi une preuve tangible de l'existence du divin.
Si le divin existe.
Crois-moi, si le divin existe, y se torche pas au Vieux-Papes mais au Meursault.
Tu crois quoi? Tu prends le divin pour un con?
À suivre...