Paul Nabulumo NAMARINJMAK, "Ngalyod"
Né en Terre d'Arnhem centrale (côte septentrionale de l'Australie), Paul Nabulumo Namarinjmko appartient à l'importante communauté artistique de Maningrida. Ce comptoir commercial fondé en 1949 devint progressivement un centre de production d'objets (tapis, paniers) en fibres végétales et, en 1963, les Aborigènes (ou Yolngu comme ils s'appellent eux-mêmes - le mot signifie "Hommes" en dialecte de la région) qui y vivaient se constituèrent en coopérative pour proposer, outre ces objets, les sculptures et les peintures sur écorces qui ont fait la notoriété actuelle de cette communauté.
Celle-ci regroupe aujourd'hui près de 300 artistes qui tirent leur inspiration de la tradition religieuse de cette région peuplée de Grands Ancêtres : divers " esprits " - bénéfiques ou menaçants - tels le Maam, les Mimi ou la sirène Yawkyawk, des animaux (par exemple le Kangourou ou le Python arc-en-ciel) ou encore des plantes totémiques (comme l'igname aux nourrissants tubercules).
Dans cette grande peinture sur écorce, l'artiste a choisi de représenter Ngalyod le serpent python dont on trouve les images peintes et gravées sur la paroi des grottes et des rochers sacrés de la Terre d'Arnhem. Cet animal qui sert de totem à de nombreux clans dont celui du peintre est aussi appelé, sous sa forme féminine, Yingama - la Mère originelle. Sous les deux formes cependant, il incarne une figure archaïque du créateur suprême et son apparence ne se limite pas à celle d'un serpent : il peut prendre aussi l'apparence d'un crocodile. L'artiste l'a peint avec à côté de sa tête, des fleurs de lotus qui symbolisent la fertilité d'un monde où l'eau occupe une place importante.
La légende dit que le serpent primordial avale des hommes pour les régurgiter sous la forme d'éléments du paysage. A ce titre, il est non seulement vénérable mais aussi terrifiant et il convient de l'amadouer par des cérémonies au cours desquelles on peignait de telles images sur écorces. Ces images servaient aussi de support à l'initiation car elles étaient en partie ou en totalité ornées des motifs qu'on voit ici sur le corps de l'animal. Appelés rarrk, ces dessins essentiellement constitués de croisillons constituaient à l'origine un code graphique recelant les secrets du Temps du Rêve. Dans des œuvres d'art comme celles-ci, les rarrk ont gardé leur dimension religieuse et ils sacralisent les représentations qu'ils ornent.